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La terre et l’eau sont sœurs ; l’une permet de juger l’autre. Il y a quelque trente ans, le département de la Mayenne renfermait encore d’assez grandes étendues de landes sur les collines granitiques et quartzeuses qui forment l’extrémité orientale des montagnes de Bretagne. Autour de ces landes absolument couvertes de bruyères, d’ajoncs et de genêts clair-semés, s’étendaient des champs enclos de gros murs et cultivés depuis un temps plus ou moins long. À cette époque, les communes mirent en adjudication par lots les terrains improductifs ; chaque riverain de la lande en acheta. Peu à peu les clôtures s’avancèrent dans la lande ; au dedans des clôtures, le défrichement s’opéra, puis l’ensemencement : aujourd’hui le pays tout entier est cultivé et bien cultivé. Laissez la clôture délimiter les propriétés bien assises dans la rivière, et la récolte y suivra une semence sérieuse : double avantage, car, pour le poisson comme pour les folles herbes, les graines s’en vont toujours au loin.

Telle est la première solution du problème de l’empoissonnement sérieux de nos rivières : abandon absolu aux riverains de toutes les parties d’eau courante non flottables ni navigables. Par le fait, c’est une location plus ou moins avantageuse de la partie des fleuves sur laquelle la navigation ou le flottage s’exécute, et comme conséquence l’abandon à peu près absolu de la portion où la marée se fait sentir. Nous ne nions pas que cette solution du problème ne soit celle qui présente le moins de difficultés matérielles ; en effet, on ne change rien à la législation actuelle sur la majeure partie des points. Un seul est modifié, l’extension de la propriété riveraine ; mais nous ne pensons pas que, tout en produisant de sérieux résultats, ce moyen suffise à tout. Si nous obtenons à coup sûr, dans un délai plus ou moins rapproché, le repeuplement de la partie supérieure des cours d’eau et par suite, par expansion, celle des parties inférieures, ces dernières demeureront toujours beaucoup au-dessous du maximum de peuplement exigible. D’ailleurs la pêche, que l’on continuera d’y amodier, entravera tout repeuplement sérieux ; enfin les portions inférieures, vers les embouchures, seront toujours le lieu d’élection d’un pillage contre lequel la loi restera impuissante.

Maintenant, si ce système répugne, qu’on embrasse l’autre, celui qui fait qu’en Écosse et en Angleterre on peut exécuter de grandes choses sur les cours d’eau : il est également plein d’avenir. Déclarez que toute eau qui coule, grande ou petite, est propriété nationale, et administrez l’ensemble. Il n’y a pas de milieu entre les deux systèmes, et nous avouons que de ce côté-ci est pour nous la véritable solution. À ce prix seul, la mise en valeur de nos eaux devient possible ; nous dirons plus, elle est alors certaine. À ce prix, vos cours d’eau, facilement amodiés d’un bout à l’autre du pays à des particuliers ou à des compagnies, prendront, au point de vue