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infiniment moins favorables à l’attaque que dans presque tous les sièges. Nous avons dit que le plus petit de nos forts était plus considérable que la citadelle d’Anvers, et nous pourrions ajouter que beaucoup de places comme Rocroy, Maubeuge, Longwy, Montmédy, Haningue et beaucoup d’autres qui ont subi de longs sièges, quoiqu’elles pussent être attaquées régulièrement et dans les circonstances les plus avantageuses à l’assiégeant. L’une de ces circonstances, c’est l’investissement de la place, qui ne permet pas seulement de la réduire rigoureusement à ses propres moyens, mais qui de plus fournit à l’attaque, maîtresse de la circonférence, l’avantage d’établir sur cette circonférence des lignes de feux convergens qui, par leur nombre et en vertu des positions choisies, doivent toujours finir par éteindre celui du point attaqué, car celui-ci ne peut ordinairement répondre que par des feux divergens, Ici il n’en sera pas de même. En effet nos forts, dont les feux se croisent, et qui tous sont défendus en arrière par l’enceinte continue, ne laisseront pas à l’assiégeant la faculté de construire ces parallèles concentriques qui font la principale force de l’attaque. L’égalité du feu tendra à se rétablir entre les adversaires, et nous conserverons l’avantage de combattre derrière des remparts couverts par des fossés, dans des places où il n’existe ni édifices civils, ni maisons de commerce, ni d’autres habitans que la garnison ; enfin, n’étant pas investis, nous conserverons toujours la faculté de relever ou de renforcer les garnisons qui auront souffert, de les ravitailler en vivres et en matériel, d’enlever leurs malades ou leurs blessés, etc. Ce sont autant de moyens de prolonger la défense dans des proportions presque indéfinies. Tout ce temps, l’intérieur de Paris n’aura sans doute rien à souffrir des événemens militaires ; l’ennemi fera probablement des efforts pour lancer dans la ville des bombes et des obus dont l’effet est toujours très sensible sur la population civile, même quand ils ne font que très peu de mal réel ; pourtant nous le confessons, il n’est pas facile de deviner où, dans cette première période du siège, l’ennemi pourrait placer ses batteries incendiaires.

Il en serait autrement, si l’attaque, ayant emporté deux ou trois forts, adjacens, pouvait s’en prendre directement à l’enceinte continue. Ce serait le cas de répéter avec le général Trochu dans un écrit qui est resté célèbre : Sursum corda. Nous ne ferions du reste que suivre de loin l’héroïque exemple qui nous est donné par nos braves compatriotes de Strasbourg et de Phalsbourg. Ils résistent énergiquement avec des moyens très inférieurs à ceux qui nous resteraient même alors. Tandis qu’il n’est pas un coin de leur ville qui ne puisse être fouillé par les bombes, nous aurions toujours au centre de la capitale un vaste espace où la plus grande partie de la population serait complètement à l’abri des projectiles incendiaires. Ce serait par exception que les obus dépasseraient les limites de l’ancien mur d’octroi, et encore ne pourraient-ils tomber