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grande, la population fut bientôt obligée de fonder sur les deux rives du fleuve des établissemens qui étaient déjà florissans du temps des Romains, ainsi qu’en témoignent les monumens dont on retrouve encore les restes, spécialement sur la rive gauche. Au moyen âge, lorsque Paris fut devenu la capitale du royaume et le siège du gouvernement, la noblesse féodale, l’église, la magistrature, la royauté, vinrent à l’envi bâtir dans le voisinage, plus particulièrement cette fois sur la rive droite, des châteaux, des résidences princières, des monastères, qui étaient tous fortifiés, et qu’avec le cours du temps on réunit entre eux par des murs garnis de tours et d’ouvrages de défense. Les noms que portent encore plusieurs de nos rues, de nos places, de nos monumens, attestent ce travail des siècles, et suffiraient, si nous n’en avions pas conservé des descriptions écrites et des dessins, à rétablir la configuration des diverses enceintes au milieu desquelles la ville s’étendit à mesure que se développaient son importance, sa richesse et sa population. Au XVIIe siècle, le tracé de l’enceinte qui renfermait la ville de Paris proprement dite suivait à peu près les grandes lignes que nous appelons encore aujourd’hui les boulevards en souvenir de ce qu’ils ont été. À ces boulevards d’ailleurs se rattachaient déjà sur divers points, et surtout aux portes, de grands centres de population, même des cités importantes, que leur position extérieure à la ville fit appeler faubourgs, et que le roi Louis XIV, qui construisit tant de places fortifiées, aurait probablement englobés dans une nouvelle enceinte, s’il n’eût conservé une irrémédiable antipathie pour la ville turbulente où s’était passée son orageuse enfance. Du reste son royal orgueil, qui rêvait la monarchie universelle, lui eût fait considérer l’idée de fortifier Paris comme un symptôme de faiblesse et de doute dans l’accomplissement de ses grands desseins. Pendant les molles et insouciantes années du XVIIIe siècle, lorsque la France ne fit la guerre qu’en avant de ses frontières, et quand on était en proie aux désordres financiers qui furent un des fléaux de l’époque, on ne songea pas à la défense de Paris. D’ailleurs la cour était à Versailles. Ce fut seulement sous le règne de Louis XVI que l’on pensa à donner à Paris une nouvelle enceinte ; mais le point de vue militaire ne comptait pour rien dans ce projet, qui n’était qu’un expédient financier, et qui se traduisit par la construction du mur d’octroi que nous avons vu disparaître en 1860. La république, qui vivait au jour le jour, et l’empire, d’abord enivré de rêves de conquêtes lointaines, ne changèrent rien à cet état de choses. Il fallut à l’empereur Napoléon les revers de 1814 pour lui ouvrir les yeux et lui faire comprendre ce que Paris place forte aurait ajouté de ressources à ses moyens de défense. Aussi en 1815, pendant les cent jours, fit-il commencer des travaux dont le désastre de Waterloo vint bien vite arrêter l’exécution. La leçon était cruelle, mais la restauration était dans l’impossibilité de