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de civilisation et de justice fécondées de nouveau par le malheur d’un moment.

CH. DE MAZADE.


ESSAIS ET NOTICES.

LES FORTIFICATIONS ET LES DÉFENSES DE PARIS.

Dans le nombre des prévisions que le plus simple bon sens commande aujourd’hui, il faut regarder comme presque certaine l’éventualité d’un siège à soutenir par la ville de Paris. C’est une blessure cruelle pour l’amour-propre national, mais par cela même nous devons tendre plus vivement au seul but que nous puissions maintenant poursuivre, celui de débarrasser le territoire national du fléau de l’invasion étrangère en sachant supporter tous les sacrifices pour arriver à cette fin suprême. Or il est probable qu’à la suite des glorieuses batailles livrées sous les murs de Metz par l’héroïque armée du maréchal Bazaine, et avec le bénéfice du temps, qui combat puissamment pour nous, nous pourrons reprendre l’ascendant que nous n’aurions jamais dû nous laisser enlever, si Paris attaqué ne manque pas à ses devoirs, s’il sait se servir des inépuisables moyens de résistance que lui fournissent les fortifications gigantesques dont il est entouré. C’est le sujet que nous voulons traiter ici, non sans tenir compte de certaines conditions de réserve que nous imposent les graves circonstances où nous nous trouvons.

Depuis les premiers jours de son histoire jusqu’au XVIIe siècle, Paris a toujours été fortifié et a soutenu bien des sièges. Quand même il n’eût pas été appelé à devenir la capitale de la France, il aurait toujours été une très grande ville, de la plus haute importance soit pour le commerce, soit pour la guerre. Cela résulte de sa situation géographique, de sa position centrale sur le cours de la Seine, et centrale aussi par rapport à tous les affluens de ce fleuve, l’Yonne, la Marne, l’Oise, l’Eure, au milieu desquels Paris est placé. Dans les temps de barbarie et au moyen âge, lorsqu’il n’existait par terre d’autres voies de communication que des sentiers à peine tracés et impraticables pendant la plus grande partie de l’année, c’était la batellerie qui exécutait presque tous les transports, et qui faisait la fortune du commerce de Paris, d’autant plus qu’à cette position centrale dont nous venons de parler il faut encore ajouter que Paris communiquait avec la mer, et que, dans les trois îles qui lui servirent de berceau, il offrait à la flotte marchande, comme à ses habitans, les meilleures garanties de sécurité. Les trois îles, enceintes de murs, se protégeaient mutuellement, un peu à la manière de nos forts détachés d’aujourd’hui, et formaient un ensemble de défenses qui résista victorieusement dans une foule de circonstances. Toutefois, comme les îles sont petites et comme la prospérité était relativement