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réconciliation entre les deux cours, il fallait qu’il congédiât son secrétaire d’état Torrigiani, le grand soutien des jésuites. On atteignit ainsi l’année 1767, où la cour d’Espagne renvoya la société des immenses territoires de la monarchie.

C’est quand cet acte eût été consommé que Pombal proposa aux deux cabinets de Versailles et de Madrid de demander collectivement au pape l’abolition de la société et le renvoi de Torrigiani son protecteur. Au sujet de cette initiative, que plusieurs historiens et surtout M. de Saint-Priest, dans sa Chute des jésuites, ont attribuée au chef du cabinet de Versailles, le duc de Choiseul, M. Gomès s’appuie principalement sur une lettre du 28 septembre 1787 de ce ministre à M. Simonin, chargé d’affaires de France à Lisbonne, qu’il a trouvée dans les archives du ministère de la justice en Portugal et dans celles des affaires étrangères en France. Elle porte la réponse de M. de Choiseul à la proposition de Pombal et le refus d’y adhérer ; mais Choiseul changea d’avis sur la nouvelle qu’il eut que la cour de Madrid avait accueilli le projet de l’homme d’état portugais. C’est la double preuve que Pombal le premier eut l’idée et la mit en avant. Pombal avait conçu un dessein encore plus hardi, c’était d’imposer au pape l’obligation de réformer tous les abus qui s’étaient introduits dans l’église romaine ; mais le duc de Choiseul lui représenta l’extrême difficulté de la tentative et l’y fit renoncer. Ils devaient ne pas avoir trop de toutes leurs forces pour faire consentir le saint-siège à l’abolition de l’ordre, sans compliquer la négociation d’une autre qui eût soulevé tant d’autres objections. Dans les efforts communs que l’on fit à Rome, on se borna donc à poursuivre l’abolition de la société, et on y mit plus de ménagemens que n’eût voulu Pombal. Suivant lui, il fallait signifier un ultimatum collectif à la cour de Rome, et, si elle n’y obtempérait pas, envoyer une armée pour s’emparer de ses états. On se contenta de négocier, ce qui était plus sage. On hésitait cependant à entrer en matière et à signifier à la cour de Rome ce qu’on attendait d’elle, lorsqu’elle vint elle-même tirer d’embarras les trois cours, et, par une agression inconsidérée, leur fournir une occasion.

L’infant d’Espagne, duc de Parme, ayant jugé à propos de suivre l’exemple des cours de France, d’Espagne, de Naples et de Portugal, en chassant les jésuites de sa principauté, le pape crut pouvoir l’en punir par un acte qu’il n’aurait osé se permettre vis-à-vis des grandes monarchies de France ou d’Espagne, ou d’hommes d’état résolus comme l’était Pombal. Il eut recours aux foudres, alors rouillées, avec lesquelles autrefois on soumettait infailliblement l’orgueil des plus grands potentats. Un bref du mois de janvier 1768 excommunia le prince de Parme, ainsi que tous ceux qui avaient coopéré à sa détermination, et délia ses sujets du