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gouvernement des Indes, étaient depuis quelque temps mécontens, et ils en avaient l’attitude.

Les accusés furent traduits devant une juridiction exceptionnelle, le tribunal de l’inconfidence, dont disposait le gouvernement, c’est-à-dire Pombal ; plusieurs des ministres en étaient membres, et Pombal lui-même en prit la présidence, fait peu rassurant pour l’impartialité du jugement à intervenir. Richelieu trouvait des juges pour prononcer sur le sort des personnages sur lesquels tombait le poids de sa colère ; il ne les jugeait pas lui-même, après avoir été leur accusateur.

Le procès fut dérisoire : on arracha aux accusés des aveux par la torture, du moins aux Tavora, car M. Gomès a constaté que le duc d’Aveiro et ses domestiques s’étaient déjà avoués coupables. La marquise Léonore ne fut pas même interrogée ; elle avait été enfermée à part dans un couvent, elle ne comparut pas dans le jugement, et ne connut la procédure que par sa sentence. Tous ces infortunés ne purent se défendre que par la plume d’un seul avocat, dont le mémoire fut à peine regardé. Le temps nécessaire pour préparer la défense fut refusé. Le 12 janvier 1759, un mois après l’arrestation des principaux accusés, l’arrêt était rendu.

Il était atroce de cruauté. Le duc d’Aveiro était condamné à être rompu vif sur la roue et à être brûlé avec l’échafaud qui aurait servi à son supplice. De même le marquis de Tavora ; il était même dit que personne à l’avenir ne pourrait prendre ce nom sous peine de la confiscation de ses biens. Deux devaient être brûlés vifs, les domestiques du duc d’Aveiro, d’autres étranglés. La marquise de Tavora devait, par faveur, avoir la tête tranchée sans raffinement de barbarie. L’arrêt ne portait aucune peine contre les jésuites, aucun d’eux n’était même emprisonné encore, mais ils étaient déclarés atteints et convaincus d’être les complices et les chefs de la conjuration. Quant à les frapper, Pombal dut attendre, on verra pourquoi. La jeune marquise doña Theresa fut confinée dans un couvent, où elle eut une pension du roi. On a dit, mais c’est douteux, que c’était elle qui avait révélé la conjuration.

Le 13 février, l’arrêt du 12 décembre fut exécuté dans toute sa rigueur. La marquise de Tavora passa la première, puis un de ses fils, charmant jeune homme de vingt et un ans, dont l’attitude résignée et digne émut la multitude, et à sa suite divers autres subirent les tourmens prescrits. Le dernier fut le duc d’Aveiro, qui expira après avoir fait retentir la place de hurlemens affreux.

A la même époque à peu près, le 5 janvier 1757, une tentative était faite sur la personne du roi de France Louis XV par un misérable fou, domestique alors sans place, nommé Damiens, qui employa pour instrument du crime un canif à tailler les plumes, avec