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c’est l’ensemble des ressources des particuliers et des établissemens publics. La France était depuis bien des années le plus grand entrepôt de richesses métalliques du monde. L’or n’avait cessé d’affluer sur notre marché. De 1848 à 1868, il est entré dans notre pays, d’après les documens officiels, plus de 7 milliards d’or et plus de 3 milliards 1/2 d’argent : il en est sorti seulement 3 milliards 200 millions d’or et un peu moins de 4 milliards 1/2 d’argent. C’est donc un stock métallique d’environ 3 milliards qui nous est resté par suite de l’excédant des entrées sur les sorties depuis vingt ans. Il faut y ajouter la quantité de métaux précieux qui existaient antérieurement. L’Allemagne est loin d’être aussi bien pourvue ; elle est au contraire à cet égard dans une disette qui n’a d’égale que notre abondance. Depuis 1821, la Prusse n’a pas monnayé pour 1 milliard de métaux précieux, tandis que la France, dans la même période, a monnayé près de 10 milliards. Assurément nous ne regardons point l’or et l’argent comme la seule richesse ; mais on ne peut contester à ces matières une utilité toute spéciale dans les temps de crise ou de guerre ; ce sont par excellence les capitaux circulans qui facilitent les achats à l’étranger, les arméniens et tous les préparatifs. L’absence de capital métallique est pour un état qui entre en lutte une grave lacune et l’origine de grands embarras. Par malheur, en décrétant le cours forcé avec une regrettable précipitation et sans motif justifié, nous avons compromis notre excellente situation monétaire ; nul peuple au monde ne regorge d’or au même point que la France, et elle s’est imposé imprudemment l’obligation de ne se servir que de papier. Ces mesures, qui datent de quelques jours à peine, ont déjà créé dans notre pays la pénurie de l’or. Nous avons ainsi détourné le cours du Pactole, qui arrosait et fécondait notre sol ; déjà nos métaux précieux s’enfuient vers l’étranger et se placent chez des banquiers de Londres ou s’échangent contre des consolidés anglais, des bons américains et toutes les valeurs étrangères dont les revenus sont payables en or. C’est ainsi qu’une panique, aveugle, causée par de déplorables mesures législatives, peut amener la gêne à la place de l’aisance et semer partout la crainte.

Rien n’est aussi difficile à calculer que la richesse d’une nation ; il y a une part irréductible d’hypothèse et de conjecture dans tous les chiffres d’une semblable évaluation. Il est possible cependant de faire un rapprochement sérieux, quoique d’une exactitude approximative, entre l’ensemble des ressources que possèdent les deux peuples qui sont aujourd’hui en lutte. Un publiciste qui connaît aussi bien l’Allemagne que la France et qui est habitué de longue date aux supputations statistiques, M. Maurice Block, fixe à 596 fr.