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situation du territoire français et du territoire prussien, il est impossible de ne pas constater en notre faveur une très importante supériorité. La France est baignée de trois côtés par la mer, ce qui lui est une défense naturelle d’autant plus considérable que les seules nations ayant jusqu’à ce jour une marine puissante, l’Angleterre, et l’Amérique, n’ont aucun intérêt contraire au nôtre et peuvent facilement n’être jamais amenées à nous attaquer. Nous avons pour voisins au sud deux peuples qui ont avec nous des affinités de race, de religion, de législation, de mouvement social, qui gravitent en un mot dans notre cercle de civilisation. L’Espagne et l’Italie, quelles que puissent être les brouilles passagères et les querelles momentanées, seront toujours pour nous des alliées ou des neutres sympathiques : aucun motif sérieux d’antagonisme n’existe entre la France et ces puissances. Les frontières sont de ce côté nettement tracées par la nature et infranchissables pour nous comme pour nos voisins. Les Alpes et les Pyrénées sont de solides remparts, qui dispensent de bien des garnisons. Une grande partie de notre frontière est en outre mise à l’abri par la neutralité de la Suisse, de la Belgique et du Luxembourg, création bienfaisante de la diplomatie et tout entière à L’avantage de la France. La neutralité de ces petits pays n’est plus dérisoire ; elle devient chaque jour plus effective par la volonté qu’ils ont de la faire sérieusement respecter en mobilisant leurs milices nationales, et par l’appui qu’ils sont sûrs de rencontrer, en cas d’invasion, chez plusieurs grandes puissances, notamment en Angleterre. Nous devons hautement nous féliciter de l’existence de ces états secondaires, qui nous évitent d’entretenir de fortes garnisons sur une très grande partie de notre frontière de l’est, et qui nous permettent ainsi de réunir toutes nos forces sur le point étroit où l’ennemi peut nous envahir. L’on a beaucoup parlé de l’annexion de la Belgique à la France : quelques esprits irréfléchis peuvent souhaiter un semblable événement ; mais peut-être, à tout considérer, serait-ce un malheur pour nous et une atteinte à notre sécurité. Les soldats et les ressources que nous pourrions tirer de la Belgique ne vaudraient jamais la force que sa neutralité, nous assure en couvrant gratuitement nos frontières et notre capitale. A supposer que la population des trois petits pays neutres qui nous touchent à l’est voulût se donner à la France, et que toute l’Europe y consentît, il serait encore de notre intérêt bien entendu, de refuser ce présent dangereux, qui ne nous fortifierait qu’en apparence et nous affaiblirait en réalité. Ainsi tels sont les précieux avantages de la situation géographique, et politique de la France, que nous n’avons sur nos flancs qu’une puissance qui puisse être notre ennemie, et qu’il nous est loisible de dégarnir presque