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soit partout facile et prompte. Pour qu’un peuple soit dispos, actif, prêt à l’attaque ou à la défense, une des conditions principales, c’est un bon réseau de communications. N’a-t-on pas vu la Russie, dans la guerre de Crimée, malgré l’immensité de ses provinces et de sa population, complètement paralysée par le manque d’une viabilité rapide ? La France et l’Allemagne sont l’une et l’autre bien pourvues sous ce rapport. Elles se trouvent même dans des conditions presque complètes de parité. Il y a deux ans, la France avait 289 kilomètres de chemins de fer par million d’hectares, la Prusse 286 ; les autres pays allemands qui sont en guerre contre nous sont un peu plus favorisés. La Saxe a 700 kilomètres de chemins de fer par million d’hectares, Bade 499, le Wurtemberg 320, la Bavière 311 ; mais les chiffres sont des renseignemens insuffisans. Il faut consulter aussi la direction des lignes, leur mode de groupement et de ramifications. La France, à ce point de vue, a un double avantage, d’abord dans le tracé régulier de son réseau, qui converge d’une manière uniforme vers Paris, et ensuite dans l’unité de l’exploitation, qui est confiée à des compagnies considérables, douées de puissans moyens. Ce sont là des garanties de concentration rapide pour les mouvemens de troupes, qui peuvent en peu de temps s’opérer de tous les points du territoire vers la capitale, et de la capitale vers les provinces menacées. Le tracé allemand, avec ses morcellemens nombreux, ses fréquens tronçons, ses compagnies multipliées, pourrait offrir une certaine infériorité ; mais l’administration prussienne s’est efforcée de combler ces imperfections par des précautions sérieuses et des combinaisons intelligentes. Si, au lieu d’examiner l’étendue entière des deux réseaux nationaux, l’on porte seulement les regards sur les lignes qui aboutissent à la frontière commune aux deux pays, on voit disparaître les conditions d’égalité que nous avions reconnues. L’est de la France est beaucoup moins sillonné de chemins de fer que l’ouest de l’Allemagne. Il y a de notre côté bien des lacunes qui, au point de vue stratégique, ont d’importantes conséquences. Comment expliquer par exemple qu’une place comme Metz, le boulevard de la France, ne soit pas encore reliée par une ligne directe au centre du territoire, et que ses communications ferrées avec Paris soient interrompues par l’occupation de Pont-à-Mousson ou de Frouard ? Ce n’est ni Coblenz, ni Mayence, ni Cologne, qui se trouvent dans un pareil isolement. Quand la paix sera venue, nous aurons, dans l’intérêt de la défense du pays, non-seulement à réparer les dommages causés à notre chemin de fer de l’est, mais à le compléter, à relier notamment Metz à Verdun, à Châlons et à Paris.

Si nous examinons maintenant, au point de vue politique, la