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jamais au public ni le jour du départ ni la destination des navires qui faisaient ces transports. Il est donc impossible de se faire une idée exacte de l’importance et du nombre des cargaisons. On sait cependant qu’en 1863 il n’y avait pas moins d’une vingtaine de bateaux à vapeur faisant l’intercourse entre les ports bloqués et l’île de la Nouvelle-Providence, qui fait partie de l’archipel des Bahamas. Cette île devint peu à peu le centre des opérations des contrebandiers (blockade runners). Située à trois journées de Charleston, elle leur offrait des avantages nombreux., Le port de Nassau, capitale de l’île, est désert d’habitude ; il acquit bientôt une prospérité étonnante, les quais ne suffisaient plus. Les magasins étaient encombrés. Des agens du gouvernement confédéré y résidaient eu permanence et étudiaient tous les moyens de développer ce trafic. Le pavillon anglais couvrait ces opérations illicites.

En 1363, le blocus était en réalité aussi soigneusement gardé que le permet la configuration du littoral américain, et cependant la contrebande avait acquis, on vient de le voir, une activité prodigieuse. Les petits bâtimens fins, bas sur l’eau, peints en couleur sombre, dont on se servait pour ce commerce, trouvaient toujours l’occasion d’échapper à la surveillance des croiseurs fédéraux. Quelques-uns faisaient leurs voyages d’aller et de retour avec la régularité d’un paquebot-poste. Une maison de commerce de Charleston, qui en possédait sept, en perdit deux par des accidens de mer, et n’en eut pas un seul arrêté par les escadres du nord. C’est que la moindre circonstance leur suffisait pour dérouter la vigilance de l’ennemi, une nuit noire, un temps orageux, un excès de vitesse à propos. Toutefois il n’était pas permis d’affirmer non plus que le blocus fût fictif, ce qui lui eût enlevé toute efficacité à l’égard des marines neutres.

Le rôle que jouait l’Angleterre en cette affaire lui valut les reproches des deux nations belligérantes. M. Mason, qui était enfin arrivé à Londres et qui y restait avec l’espérance toujours frustrée de se voir reconnaître en qualité de ministre des états confédérés, M. Mason ne cessait d’affirmer au gouvernement anglais que le blocus n’était pas effectif, puisque des navires entraient sans cesse dans les ports interdite et en sortaient avec une égale facilité. Le danger évident qui est la conséquence immédiate d’un blocus effectif n’existait donc pas, selon lui, et par conséquent le blocus ne devait pas être respecté par les puissances neutres. D’autre part, M. Adams se plaignait des tentatives que les navires anglais faisaient sans cesse pour se mettre en communication avec les ports bloqués, ce qui était, à l’en croire, violer la neutralité que la Grande-Bretagne avait promis d’observer. Il citait un port anglais d’où, vingt et un navires