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développement d’une colossale étendue, mais encore elles sont conformées de façon qu’il est très difficile d’en surveiller les approches. Les rivières qu’alimente le versant oriental des Alleghanys traversent, avant d’arriver à la mer, une plaine sablonneuse de 80 à 150 kilomètres, où de larges bandes de terrains en culture très fertiles sont entrecoupées de marais et de bois. La côte est bordée d’îles nombreuses, presque recouvertes par le flot de marée, et sur lesquelles on récolte le fameux coton Géorgie longue-soie, qui est célèbre dans le monde entier. L’embouchure des rivières est barrée par des bancs de sable, les baies sont étroites et d’un accès difficile, la navigation y est dangereuse pour de gros navires, tandis que des bâtimens de faible tonnage trouvent de fréquens abris, et peuvent même naviguer parallèlement au littoral dans des canaux intérieurs que des passes peu profondes rattachent à la haute mer.

Le littoral des états du sud avait été déclaré en état de blocus par deux proclamations du président Lincoln en date du 19 et du 27 avril. Cela ne suffisait pas pour en écarter les bâtimens des marines neutres, car le code maritime veut que le blocus ne devienne obligatoire qu’à partir du jour où il est gardé par une force suffisante, et de plus il est toujours accordé aux neutres un certain délai pendant lequel ils ont la liberté de sortir des ports bloqués, sur lest ou en charge, à leur volonté. Les vaisseaux de guerre fédéraux parurent en mai devant les principaux ports du golfe du Mexique ; cependant les croiseurs n’exerçaient pas une surveillance bien active, car le Sumter put franchir le 30 juin la barre du Mississipi, et même le port de Galveston ne fut jamais fermé aux navires d’un faible tirant d’eau. Charleston fut bloqué à partir du 11 mai ; mais du 15 au 28 du même mois aucun navire fédéral n’en défendait l’accès. Savannah fut bloqué le 28 mai ; puis, jusqu’au 8 juillet, les autres ports des deux Carolines restèrent libres. En somme, le blocus ne devint général que plusieurs mois après le commencement des hostilités.

En présence des difficultés que les navires fédéraux éprouvaient à bien remplir leur mission, le secrétaire de la marine prescrivit d’avoir recours à des expédions d’un nouveau genre. Ce n’était pas seulement le commerce des rebelles qu’il s’agissait d’atteindre, il n’était pas moins important d’empêcher leurs corsaires de sortir des ports. On résolut de rendre les passes impraticables en y coulant des navires chargés de pierre. On acheta donc de vieux navires à Baltimore, on en fit même venir d’Europe, et ces bâtimens furent coulés en travers des chenaux afin d’y rendre la navigation impossible. A Charleston par exemple, il y a six canaux qui mènent du port à la mer, et un seul est accessible aux navires de fort tonnage.