Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commerce que sa qualité de paquebot-poste ne soustrayait pas au droit de visite en temps de guerre, et le capitaine Wilkes avait agi légalement.

Mais, continuait M. Seward, quoique MM. Mason et Slidell aient été saisis régulièrement, la difficulté commence quand on se demande quelle suite l’affaire recevra. C’est un principe de droit international que toute capture opérée à la mer doit étape jugée par un tribunal maritime qui en apprécie la légalité. C’est ce tribunal qui discute et résout les cas douteux de contrebande et de neutralité. Il importe en effet aux puissances neuves que le capteur, intéressé à conserver le navire saisi, ne soit pas juge unique en des questions dont dépendent la liberté, la fortune et souvent l’honneur des étrangers. Or les tribunaux maritimes ont qualité pour juger les choses et non les personnes. Si le capitaine Wilkes avait saisi le Trent en même temps que les quatre passagers, le cas eût été tout autre. La saisie du navire eût été sans contredit déclarée valable, et le sort des prisonniers se trouvait par là fixé. Il n’est pas douteux que le Trent pouvait être saisi et amené dans un port américain ; si le commandant du San-Jacinto ne l’a pas fait, ce n’est pas seulement par égard pour les intérêts respectables que cette mesure aurait compromis, c’est surtout par la raison qu’il avait trop peu d’hommes d’équipage pour conduire sa prise en lieu sûr. Ainsi, par la force des circonstances, la capture des quatre passagers du Trent échappe à toute sanction légale ; ce sont au surplus des personnages de médiocre importance, dont la mise en liberté ne compromet pas la sécurité de l’Union. D’ailleurs, ajoutait encore M. Seward avec moins d’à-propos, l’insurrection est sur son déclin. — Par tous ces motifs, les prisonniers furent remis au gouvernement britannique.

Après que MM. Mason et Slidell eurent été libérés, lord Russell jugea nécessaire de réfuter les argumens de M. Seward. Il est inutile de s’appesantir sur cette réponse, qui ne fut guère que la reproduction allongée de la dépêche de M. Thouvenel. L’affaire sortait du domaine des faits et devenait purement théorique ; elle n’alla pas plus loin, car il est d’usage dans les relations internationales de se quereller sur des faits et non sur des idées.


II

L’un des premiers soins du gouvernement fédéral avait été de créer une marine suffisante pour rendre le blocus effectif depuis la baie de la Chesapeake jusqu’à l’embouchure du Rio-Grande. Non-seulement les côtes des états sécessionistes présentaient un