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c’est-à-dire maintenu par une force suffisante pour interdire réellement l’accès de la côte ennemie. Les troisième et quatrième articles étaient depuis longtemps des maximes de droit international ; le second était contesté, et le premier était une innovation dont, à vrai dire, on sentait la nécessité. Quand ces quatre propositions avaient été soumises à l’acceptation des nations qui n’étaient pas représentées dans la conférence, le gouvernement fédéral n’avait promis de consentir à la suppression de la course qu’à la condition que toute propriété privée fût exempte de capture. Cette condition trop générale n’étant pas accueillie, les États-Unis avaient définitivement refusé d’accéder au traité de Paris. En 1861, ils avaient sans doute des raisons de le regretter, et les puissances européennes étaient presque aussi intéressées qu’eux à ce que les articles du code de 1856 fussent observés par les belligérans. M. Mercier, qui représentait la France à Washington, et lord Lyons, qui représentait l’Angleterre, vinrent donc proposer à M. Seward de signer une déclaration d’accession. La négociation paraissait être en bonne voie ; mais, avant que les signatures ne fussent échangées, les plénipotentiaires s’aperçurent qu’il n’y avait pas accord. La France et l’Angleterre entendaient que le gouvernement fédéral ne stipulât qu’au nom des états restés fidèles à l’Union, tandis que celui-ci prétendait engager aussi les états sécessionistes, en sorte que cette convention aurait eu pour conséquence immédiate de transformer les corsaires du sud en pirates et de les exposer comme tels aux rigueurs des lois maritimes. Les puissances européennes qui venaient, par la déclaration de neutralité, de reconnaître l’existence d’un gouvernement de fait dans les états du sud ne pouvaient admettre que le gouvernement fédéral stipulât au nom de ceux-ci. Les négociations furent donc interrompues.

Mais de la correspondance échangée à ce sujet, aussi bien que de celle qui avait trait aux déclarations de neutralité des puissances européennes, il ressort avec évidence qu’il y eut dès le principe un désaccord grave sur la question de savoir comment la sécession devait être envisagée. Pour M. Thouvenel comme pour lord Russell, il existait en Amérique deux gouvernemens, l’un régulier, qui siégeait à Washington, l’autre insurrectionnel, mais néanmoins positif, à Richmond. La guerre avait éclaté, et les neutres devaient prendre les mesures d’usage en pareille circonstance. Aux yeux de M. Seward, tout cela était inexact, car voici ce qu’il écrivait le 19 juin à M. Dayton, ambassadeur des États-Unis à Paris :

« En tant qu’il s’agit des nations étrangères, il est erroné de soutenir qu’il y a guerre aux États-Unis, et certainement il ne peut y avoir deux puissances belligérantes, s’il n’y a pas de guerre. Il n’y