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surtout inévitable dans le cas d’une guerre maritime, le code international accordant aux belligérans aussi bien qu’aux neutres des droits et des obligations corrélatives. En vertu des lois qui règlent cet état de choses, les navires sous pavillon neutre rencontrés en pleine mer sont soumis à la visite des bâtimens de guerre belligérans ; ils sont même exposés à être capturés, s’ils transportent de la contrebande de guerre ou s’ils essaient de forcer un blocus effectif.

Cela posé, voyons si l’Angleterre et les autres puissances maritimes ont violé le code international en 1861 et dans les années suivantes. Les événemens d’Amérique jetaient un trouble profond dans les opérations commerciales de la Grande-Bretagne. Les états de l’ouest contribuaient pour une forte part à l’alimentation des Anglais ; le sud leur fournissait du coton, leur colonie du Canada est limitrophe des états du nord. Toute perturbation grave en Amérique ne pouvait manquer de réagir d’une manière fâcheuse de ce côté-ci de l’Atlantique. Dès les premières déclarations d’indépendance, M. Buchanan d’abord et quelques semaines après M. Lincoln s’étaient empressés d’écrire à leurs agens diplomatiques en Europe en les invitant à demander aux gouvernemens près desquels ils étaient accrédités que rien ne fût fait pour encourager la rébellion. En Angleterre comme en France, la réponse fut celle qu’on devait attendre. Ces deux puissances voyaient avec un profond chagrin l’acte de sécession ; mais il leur était impossible de tracer dès ce moment la ligne de conduite que les événemens leur imposeraient. C’était une politique expectante dont le gouvernement fédéral n’avait aucun droit de se plaindre. Les cabinets de Russie, d’Autriche et d’Espagne furent moins réservés ; entraînés dans une singulière méprise sur les actes et les motifs des sécessionistes, ils déclarèrent sans hésitation ni retard qu’ils entendaient n’avoir aucun rapport avec un gouvernement d’origine révolutionnaire.

En France et en Angleterre, les intentions durent se manifester d’une façon moins évasive aussitôt que les hostilités furent déclarées. Le 30 avril 1861, on apprit à Londres le bombardement du fort Sumter, la levée de 75,000 hommes et la proclamation de M. Davis, qui offrait de délivrer des lettres de marque ; deux jours après, on sut que le nord déclarait les côtes du sud en état de blocus. Les insurgés et leurs adversaires allaient exercer en pleine mer les droits que confère l’état de guerre. Le commerce anglais s’en émut, et non sans raison, s’il est vrai que dans les eaux du Mississipi seulement il y avait à cette époque pour 25 millions de francs de marchandises anglaises. En outre certaines branches de commerce jusqu’alors légales allaient être prohibées dans les eaux américaines ; les cargaisons d’armes et de houille devenaient