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enfant assisté, ayant été adopté par une famille aisée, fut découvert par son père, qui jadis l’avait abandonné avec empressement ; aussitôt la famille adoptive devint la victime de ce misérable, qui, se livrant à l’odieuse manœuvre connue sous le nom de chantage, disait : « C’est mon fils, rendez-le-moi, » ou bien : « Vous avez intérêt à ce qu’on ignore les origines de cet enfant, donnez-moi de l’argent, sinon je les dévoile. » Prise entre l’affection quelle éprouvait pour son fils adoptif et les requêtes perpétuelles du drôle qui la menaçait, la famille n’aurait su quel parti prendre, si la préfecture de police n’était venue à son aide avec ces excellens moyens officieux dont elle a le secret. L’enfant fut sauvé et put rester avec ses vrais parens, c’est-à-dire avec ceux qui l’avaient arraché à l’hospice ; mais l’exemple porta fruit : on voulut éviter de pareilles avanies aux bienfaiteurs, et désormais on ne livre que des orphelins à l’adoption. De cette façon, on est certain d’éviter ces retours de tendresse trop intéressés pour n’être pas ignobles.

Les personnes qui s’adressent à l’assistance pour obtenir un enfant appartiennent presque toutes à la classe des petits commerçans ; ce sont pour la plupart des boutiquiers du dixième ordre, ’qui de cette manière se procurent un apprenti, un commis, un garçon de magasin qu’ils n’ont point à payer. Parfois ce sont presque des indigens qui, en adoptant un orphelin, font sonner bien haut leur prétendue bonne action, et s’en font un point d’appui pour assaillir l’administration de demandes de secours de toute nature. On ne se laisse point duper par de telles manœuvres, qu’on déjoue facilement, car on fait des enquêtes très sérieuses sur tout individu, sur toute famille qui exprime la volonté de choisir un enfant parmi les pupilles de l’assistance. On pourrait quelquefois se croire revenu aux traditions de la Couche, à l’époque où le trafic des enfans trouvés s’exerçait ouvertement. Il n’y a pas longtemps, une femme belge, assez jeune et jolie, vînt tout simplement prier l’administration de lui remettre un enfant, fille ou garçon, peu importait, pourvu qu’il ne fût âgé que de quelques jours. Interrogée sur le mobile qui la poussait, elle répondit sans se troubler qu’elle était liée avec un vieillard, et que celui-ci l’épouserait, si elle parvenait à lui faire croire qu’il l’avait rendue mère. On mit à la porte cette ingénieuse personne, qui s’en alla en disant : « Je vous avais donné la préférence ; mais je trouverai ce qu’il me faut ; à Paris, ce n’est pas rare ; » Il y a malheureusement tout lieu de penser qu’elle n’a pas eu de longues recherches à faire, et qu’elle a été bientôt pourvue.

Le service des enfans assistés, qui est très vaste et complexe, puisqu’il s’exerce sur l’hospice de la rue d’Enfer, sur tous les départemens où les enfans sont envoyés en nourrice, sur tous les corps