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à leur faire obtenir une concession de 4 à 5 hectares de terrain. Dès 1851, l’assistance lui expédia 100 de ses pupilles et 100 enfans indigens, pris à Paris avec l’autorisation de leur famille ; on n’avait pas choisi les enfans vicieux, au contraire, et comme l’on concevait de grandes espérances sur le sort de cette colonie algérienne, on n’avait autant que possible envoyé que de bons sujets. Tout nouveau, tout beau, dit notre vieux proverbe. Pendant les premières années, on s’applaudissait du parti qu’on avait embrassé ; les nouvelles de Ben-Aknoun ne laissaient rien à désirer, et l’on disait volontiers : Il n’y a vraiment que les jésuites qui sachent diriger les enfans. On n’allait pas tarder à déchanter. Vers 1855, les renseignemens parvenus à l’administration n’étaient point satisfaisans. En 1856, on peut prévoir déjà une dissolution prochaine. Le 3 juillet 1857, le ministre de la guerre, édifié sur les mérites des élèves du père Brunauld, déclare qu’il ne leur accordera plus de concession ; en même temps l’assistance décide qu’elle n’enverra plus ses pupilles à Bouffarik. En 1858, l’administration de la colonie met les clés sur la porte, et l’expérience est terminée. Ce qu’il y a de curieux, c’est que le père Brunauld avait très nettement vu par où péchait son système ; mais, s’il reconnut le mal, il paraît qu’il n’en trouva point le remède. Dans son Rapport à l’empereur sur l’emploi des enfans trouvés de France pour la colonisation de l’Algérie, il dit en propres termes : « La règle est trop vexatoire ; à un certain âge, elle devient pesante, les élèves éprouvent peu à peu le besoin d’une liberté plus grande et d’un supplice moins constant. Trop peu de liberté, pas assez d’inquiétude pour l’initiative personnelle, voilà les obstacles. Conclusion : contrairement à nos idées premières, qui, sur ce point, ont dû se modifier, les enfans agglomérés ne peuvent en moyenne gagner leur vie dans le travail des champs. »

Pendant qu’on essayait avec autant de bonne foi que d’insuccès de faire des colons avec les enfans de bonne conduite, on envoyait les enfans rebelles dans diverses colonies pénitentiaires où leur sort ne paraît pas avoir été digne d’envie : à Varègues, dans la Dordogne, chez l’abbé Vedey, — à Montagny, près de Chalon-sur-Saône, chez M. Fournet, — à Blanzy, dans le département de Saône-et-Loire, chez l’abbé Béraud, — aux Bradières, dans la Vienne, chez M. Grousseau. Ces différens envois ont lieu de 1853 à 1855. L’année suivante, Varègues et Montagny tombent en déconfiture ; deux ans après, c’est le tour de Blanzy. Aux Bradières, les évasions sont si fréquentes et ont des résultats si singuliers qu’on s’inquiète. En effet, les pupilles de l’assistance se sauvent, mais c’est pour venir « se réfugier à l’hospice, afin d’éviter les mauvais traitemens et de trouver une nourriture suffisante. Une enquête est ouverte, et l’on