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l’avoine, devenue d’un prix trop élevé, c’est par un grain plus riche qu’elle en carbone et surtout en corps gras. Ajoutons, pour terminer sur ce sujet, que deux conditions sont nécessaires pour qu’un cheval soit bien nourri. Il faut d’abord que sa ration contienne une suffisante quantité de carbone : si ce corps combustible ne lui est pas fourni par les alimens, il use la graisse que ses muscles contiennent, car, sans le calorique qui est produit par la combustion intérieure du carbone et de l’hydrogène, il lui serait aussi difficile de marcher qu’à une locomotive, si le fourneau n’était pas alimenté. Il faut ensuite, pour éviter tout ce qui peut surcharger ses organes digestifs, lui donner de préférence les alimens les plus riches en corps gras : les corps gras ont sur les autres principes immédiats respiratoires ou thermogènes, sur les corps neutres, une supériorité qui s’explique par leur richesse en carbone et en hydrogène.

En substituant à l’avoine et au foin des prairies naturelles d’autres alimens, on peut donc nourrir plus économiquement les chevaux ; mais, nous le répétons, on ne doit donner au cheval l’orge, le seigle, le blé ou une légumineuse, graine ou foin, que si on lui fait consommer en même temps une certaine quantité de paille, de graines oléagineuses ou de mais. Le maïs est le seul grain qui puisse, étant administré seul, remplacer l’avoine, dont il se rapproche beaucoup par la composition. Comme d’ailleurs, à cause du prix peu élevé et de la richesse en principes nutritifs du mais, c’est de tous les grains celui qui fournit l’azote et le carbone au plus bas prix, comme la plante qui le produit donne une très grande quantité de matières alimentaires, et qu’elle prospère sur une grande partie de notre territoire, nous en considérerions l’introduction dans la nourriture normale de nos chevaux comme un grand bienfait.

En résumé, à défaut d’expériences directes, l’observation de tous les jours confirme la nécessité d’étudier les besoins des animaux et de composer les rations de manière à satisfaire ces besoins et à constituer les produits, — lait, viande ou travail, — que nous avons intérêt à obtenir. Donner un excès d’azote à un animal qui est entièrement formé, et qui n’a besoin de sa nourriture que pour s’entretenir et produire de la force motrice, c’est d’abord perdre une substance d’une grande valeur qui pourrait être utilement employée à produire de la viande ou du lait, et en outre c’est surcharger l’économie animale de principes immédiats (albuminoïdes) qui, n’ayant pas comme la graisse un réceptacle pour les recevoir, peuvent entraîner par leur excès les plus graves maladies. Les chimistes modernes, en soumettant à l’analyse les principales substances alimentaires et les produits animaux, ont fait entrer la science zootechnique dans une voie de progrès. L’observation raisonnée de faits que tous les jours on peut étudier fera fructifier leurs travaux.