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animaux dont, faute de nourriture, on ne pourrait pas utiliser toute la puissance productrice.


III

Les observations précédentes se rapportent principalement aux animaux entretenus par les cultivateurs, aux bœufs et aux chevaux de labour, aux bêtes à l’engrais, aux vaches laitières et aux moutons ; mais il faut songer aussi aux chevaux employés par le commerce, l’industrie, le luxe, la guerre. C’est surtout pour ces animaux qu’il faut chercher à utiliser mieux qu’on ne l’a fait les produits alimentaires dont nous disposons. Jusqu’à ces dernières années, on a été persuadé en France comme à l’étranger, — et le plus grand nombre de personnes occupées à soigner les chevaux le croient encore, — qu’on ne peut nourrir convenablement ces animaux qu’avec du foin et de l’avoine. Or nous aurons à peine le quart de la récolte ordinaire du foin des prairies naturelles. La récolte de l’avoine nous fera également défaut en grande partie. En temps de paix, nous pourrions compter sur les importations. La Hollande, la Suède, la Hongrie, le Tyrol, quelques parties de l’Allemagne, l’Amérique même, malgré son éloignement, nous avaient offert du foin à d’assez bonnes conditions. D’un autre côté, la facilité de comprimer ce fourrage à l’aide de presses aujourd’hui fort répandues permet de le transporter à de grandes distances à peu de frais ; mais la guerre empêchera une partie des arrivages, et rendra plus dispendieux ceux qui pourront s’effectuer. D’ailleurs, en augmentant la consommation, elle fera élever les prix. Il faut donc ne compter que sur nos propres ressources, et, dans tous les cas, chercher à les bien utiliser. Le meilleur moyen, c’est la substitution au foin et à l’avoine de fourrages et de grains plus communs et moins chers relativement à leur valeur alimentaire. Cette substitution a été souvent essayée, et elle n’a jamais bien réussi. En quoi ces deux alimens, que nous appelons alimens-types, diffèrent-ils du foin de trèfle, du foin de luzerne, de l’orge, du seigle, c’est-à-dire des fourrages et des grains par lesquels on a toujours essayé de les remplacer ? On ne peut répondre à cette question qu’en étudiant les diverses substances végétales alimentaires au point de vue de la composition chimique et des besoins que les alimens sont appelés à satisfaire, des produits dont ils doivent fournir les matériaux.

Les principes immédiats alimentaires peuvent se réduire à deux corps principaux, carbone et azote. Pendant longtemps, on a même évalué la valeur nutritive des alimens d’après leur richesse en azote ; mais les alimens n’ont pas une valeur nutritive absolue, leur valeur est subordonnée aux effets qu’ils ont à produire. Tantôt la substance