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albuminoïde. En partant de ce qu’un hectare de vigne peut fournir en pampres et en marc, M. Jules Guyot, qui a si bien étudié nos vignobles et les ressources qu’ils peuvent offrir, estime que nos 2,500,000 hectares de vigne pourraient fournir 5 milliards de kilogrammes d’excellens alimens qui, à 20 kilogrammes par jour et par tête, nourriraient 2,500,000 têtes de gros bétail pendant 100 jours.

De tout temps, les feuilles des arbres ont été employées à la nourriture du bétail, dans les contrées méridionales surtout, où la sécheresse arrête si souvent la pousse des plantes herbacées, et où il faut utiliser toutes les ressources alimentaires dont on peut disposer. Les cultivateurs de nos départemens du midi, quand vers la fin de l’été l’herbe est rare dans les pâturages, élaguent les arbres qui se trouvent sur les lisières des chaumes, des landes, et les branches abattues, dispersées par le berger, sont mises à la portée de toutes les bêtes du troupeau. Nous n’oserions pas conseiller cette pratique aux cultivateurs de nos pays à riches pâturages dans une année ordinaire, mais cette année il faut faire flèche de tout bois. La plupart des arbres de nos pays ont des feuilles alimentaires. Nous citerons l’orme, le frêne, le cerisier, le chêne, le charme, les érables, les peupliers, le tilleul, le bouleau, le marronnier d’Inde, le hêtre, l’aulne, l’olivier, etc. L’acacia, qu’on a préconisé comme propre à former des prairies aériennes, qui est si répandu en France et qui prospère si bien sur les mauvais sols, sur les talus des chemins de fer, fournit de très bonnes feuilles que l’on utilise, vertes le plus souvent, malgré les épines que portent les branches. Dans les années où les fourrages d’été sont abondans, c’est pour augmenter les provisions d’hiver que l’on a recours aux feuilles des arbres. On les récolte en branches pour en former des fagots appelés feuillards, qu’il est facile de faire sécher. Ainsi conservées, elles conviennent surtout pour les moutons. Avec un peu de paille et quelques heures de pâturage dans les genestières ou dans les bruyères, les feuillards forment dans plusieurs de nos provinces l’unique nourriture des troupeaux. — On récolte aussi les feuilles à la main, particulièrement celles des jeunes branches que l’on ne veut pas couper pour en faire des feuillards et celles de quelques arbrisseaux : le noisetier, le mûrier multicaule, le lierre grimpant, qui ont des propriétés toniques très marquées. On peut les conserver dans des fosses, comme on le fait pour les feuilles de vigne dans le Lyonnais et pour les feuilles de betterave dans le nord. Les feuilles détachées, fraîches ou conservées en silos, entreraient très bien dans tous les mélanges alimentaires, et contribueraient ainsi à la nourriture même des bêtes de rente. Ajoutées aux pulpes, aux résidus aqueux, mélangées avec des feuilles plus aqueuses et plus succulentes, arrosées avec de l’eau mélassée ou de l’eau tenant en suspension des