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de 1,200 hommes sous un commandant supérieur et deux capitaines de frégate, l’un pour les fusiliers, l’autre pour l’artillerie.

Douze cents hommes pour un service à terre, c’est peu de chose en apparence ; c’est beaucoup, si l’on récapitule les services qu’ils peuvent rendre. Même débarqué, le marin se sent encore des points d’appui sur l’élément qui lui est familier, l’artillerie du bord, les chaloupes canonnières qui croisent sur les atterrages. Partout où un boulet porte, il peut se croire chez lui et payer d’audace. Plaçons-le en face d’une côte ennemie : en la longeant, il en sondera les points faibles, y jettera l’alarme par des reconnaissances inattendues, coupera les convois, interceptera les communications, obligera la puissance menacée de tenir sur pied des troupes disponibles, opérera ainsi des divisions heureuses, et qui frapperont le moral des populations par leur rapidité ; mais, pour que des compagnies de débarquement soient propres à cette guerre de surprises, il ne suffit pas de la préparation des polygones, il faut que ces compagnies en aient eu le plus souvent possible la représentation animée et y aient figuré activement. C’est à cette représentation que l’escadre d’évolutions fit concourir à diverses fois ses équipages. Dans la rade d’Ajaccio, il n’y eut qu’un tournoi presque quotidien entre les canonnières pour la précision des mouvemens et les exercices du tir ; mais aux îles d’Hyères et à Mers-el-Kebir, près d’Oran, les compagnies de débarquement eurent leur tour et se mirent en scène.

Aux îles d’Hyères, où les élémens étaient bornés, le simulacre d’action se réduisit à une courte descente. On venait de quitter Toulon avec une organisation encore ébauchée, il ne s’agissait que de se mieux former et de se reconnaître. La descente eut lieu au cap Léaube, près du fort de Bregançon. On s’y reprit à deux fois ; à la seconde, où quatre bâtimens fournirent leurs compagnies, on opposa deux corps de débarquement l’un à l’autre, celui qui gardait les abords du fort vêtu de gris, celui qui les défendait vêtu de bleu. L’aspect des opérations fut assez satisfaisant ; les tirailleurs se déployèrent bien, ils comprenaient parfaitement les sonneries, les pièces de 4 gravirent vivement les terrains les plus escarpés. Il y avait partout de l’entrain, peut-être trop dans le branle-bas de combat. Les hommes se précipitaient sur les bastingages dans des poses un peu théâtrales et en faisant étalage de leurs sabres et de leurs pistolets. C’était dans la tradition, ils s’y conformaient ; il fallut leur recommander plus de silence, plus de calme et de sang-froid. Cette impétuosité des équipages cadrait mal d’ailleurs avec l’aspect des bâtimens, et leur puissance, d’autant plus réelle qu’elle est moins apparente. Ceci est une réflexion qui peut s’appliquer à toutes nos armes. Avec les moyens qu’emploie désormais la guerre, les habitudes, les règles de conduite doivent nécessairement