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en était arrivé là. On avait fait du livre des signaux une collection de figures géométriques pleine d’obscurités et prêtant aux équivoques. L’emploi de la vapeur, en modifiant la locomotion, exigeait d’ailleurs une réforme. Dès 1856, M. le vice-amiral Bouët-Willaumez s’en occupait ; plus tard, l’amiral Desfossés y mit la main, tant dans des commissions spéciales que dans des expériences à la mer, et de là sortit en 1861 le livre actuel des signaux, qui est en même temps un code de manœuvres. L’escadre de 1868-1869 avait à soumettre ce recueil de dispositions, qui aura bientôt dix ans de date, à une vérification sérieuse ; c’est ce qu’elle a fait, et le commandant en chef en a tiré des considérations générales qui ont eu d’abord un succès mérité.

Le sujet est très nettement tracé, et l’auteur jette au début un mâle coup d’œil sur les anciennes guerres maritimes qu’il a si bien décrites. « Quand on veut, dit-il, étudier les guerres d’autrefois pour en tirer des leçons applicables au temps présent, ce ne sont pas des leçons de tactique qu’il y faut chercher. Ce serait s’égarer dans des recherches oiseuses et peu profitables, car l’instrument naval dont nous disposons aujourd’hui se prête à des combinaisons entièrement nouvelles, et exclut toute imitation servile du passé. Les évolutions et les divers ordres de bataille ne sont pour ainsi dire que la partie périssable, éphémère, de la stratégie. Ce qui survit à tous les systèmes, à toutes les transformations, ce sont les principes généraux sur lesquels repose la discipline des armées. Cette discipline est le seul gage infaillible de la victoire. Il est sans doute des opérations préparées à loisir dans lesquelles l’imprévu n’a qu’une part secondaire. Quand Ruiter remonte la Tamise et va semer l’effroi aux portes de Londres, quand Duguay-Trouin, Nelson, Roussin, Ferragut, achèvent avec un égal bonheur des entreprises non moins téméraires, le succès qui couronne leur audace est le résultat d’un plan préconçu ; mais, dans les actions qui ont pour théâtre la haute mer, le plan n’est rien, l’énergie de l’attaque est tout. Quelles que soient les dispositions prises sur le champ de bataille, la victoire appartient à l’armée animée du meilleur esprit, à l’armée dans laquelle on trouve pour qualité dominante, chez le chef le caractère, chez les subordonnés la confiance et la résolution de se soutenir mutuellement. C’est donc par leur côté philosophique bine plus que par leur côté technique que les combats livrés sur mer pendant les deux derniers siècles peuvent éclairer les questions dont la génération actuelle se préoccupe. »

Quels sont donc ce livre des signaux et ce code de manœuvres qui font aujourd’hui loi dans la marine ? Sans abuser des mots techniques, on peut en donner une idée. Le code de manœuvres, après avoir, sous le nom d’ordres simples et composés, fait choix,