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l’expérimentation sur les plantes, et qui ne quitta cet attrayant sujet, pour s’occuper de philosophie, qu’à la suite d’un affaiblissement grave de sa vue, Charles Bonnet le premier, vers le milieu du XVIIIe siècle, vérifia rigoureusement cette collaboration. Il remarqua que les végétaux croissent verticalement et tendent vers le soleil, dans quelque position que leur graine ait été plantée en terre. Il démontra la généralité de ce fait, que dans les lieux obscurs les plantes se dirigent toujours vers le point d’où vient la lumière. Enfin il découvrit que les plantes plongées dans l’eau dégagent des bulles de gaz sous l’influence du soleil. En 1771, Priestley, en Angleterre, fit une autre expérience. Il laissa brûler une bougie dans un espace clos jusqu’à ce que la lumière fût éteinte, c’est-à-dire jusqu’à ce que l’air y fût devenu impropre à la combustion. Il introduisit alors dans cet espace les parties vertes d’une plante fraîche, et au bout de dix jours l’air fut purifié au point que l’on put de nouveau y allumer la bougie. Il avait prouvé ainsi que les plantes substituent un gaz combustible au gaz vicié par la combustion ; mais il avait reconnu également qu’à certains momens un phénomène opposé semble se produire. Le médecin hollandais Ingenhousz devait, dix ans plus tard, expliquer cette apparente contradiction. « A peine fus-je engagé dans ces recherches, dit cet habile physicien, que la scène la plus intéressante s’ouvrit à mes yeux. J’observai que les plantes n’ont pas seulement la faculté de corriger l’air impur en six jours ou plus, comme les expériences de M. Priestley semblent l’indiquer, mais qu’elles s’acquittent de ce devoir important en peu d’heures et de la manière la plus complète, que cette opération merveilleuse n’est aucunement due à la végétation, mais à l’influence de la lumière du soleil sur les plantes, qu’elle commence seulement quelque temps après que le soleil s’est élevé à l’horizon, qu’elle est suspendue entièrement pendant l’obscurité de la nuit, que les plantes ombragées par les bâtimens élevés ou par d’autres plantes ne s’acquittent pas de ce devoir, c’est-à-dire n’améliorent pas l’air, mais au contraire exhalent un air malfaisant et répandent un vrai poison dans l’air qui nous environne, — que la production du bon air commence à languir vers la fin du jour et cesse entièrement au coucher du soleil, que toutes les plantes corrompent l’air environnant pendant la nuit, que toutes les parties de la plante ne s’occupent pas de purifier l’air, mais seulement les feuilles et les rameaux verts. »

Comment se produisent cette transformation d’air impur en air pur sous l’influence du soleil et le phénomène inverse dans l’obscurité ? C’est à quoi répondit Senebier, compatriote et ami de Charles Bonnet. Appliquant au problème les découvertes récentes