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Par suite de la nature du sol et de La direction générale des vallées, toute cette région est d’une extrême sécheresse, et pendant l’été, quand les aiguilles de plus et les feuilles sèches mélangées aux bruyères couvrent le sol d’une couche épaisse, on dit dans le pays que la terre a une odeur de feu. Le sous-étage de broussailles atteint en effet alors un tel degré de dessiccation, que la moindre étincelle suffit pour en amener la combustion. Lorsque le feu s’est déclaré, il se propage avec rapidité, et si à ce moment le mistral vient à souffler, il n’existe aucun moyen d’arrêter l’incendie. Les cônes de plus deviennent eux-mêmes des agens de propagation ; ils éclatent sous l’influence de la chaleur, et leurs débris enflammés allument de nouveaux foyers à plusieurs centaines de mètres de distance ; les flammèches et les fragmens des écorces résineuses qui pétillent sous l’action du feu produisent le même effet, en sorte qu’il n’est pas rare de voir de nouveaux incendies éclater en arrière même de la ligne où les travailleurs combattent la marche du feu. Aussi les secours, si dévoués qu’ils soient, sont-ils le plus souvent inefficaces, et la flamme ne s’arrête que lorsqu’elle n’a plus rien à dévorer.

Parmi les causes qui le plus généralement provoquent des incendies, il faut mentionner l’imprudence des fumeurs, des chasseurs et des ouvriers charbonniers, mais surtout la pratique de l’écobuage. On sait que cette opération consiste à former des petits fourneaux au moyen des tranches superficielles du terrain qu’on veut ensemencer, et à mettre le feu aux herbes et aux broussailles, dont la combustion donne au sol un élément fertilisant. Les fourneaux d’écobuage une fois allumés, soit dans l’intérieur des massifs où s’exécutent des cultures temporaires, soit à proximité des forêts, ne sont pas toujours l’objet d’une surveillance suffisante ; et de cette négligence proviennent la plupart des grands incendies. Du reste la surveillance des fourneaux d’écobuage est une opération des plus minutieuses, car il arrive souvent que, lorsque le fourneau se trouve à proximité d’une vieille souche de pin ou de châtaignier, il y met le feu, qui brûle alors pendant dix on quinze jours sans qu’on s’en aperçoive. Parfois aussi il se communique à des amas d’écorce de pin ou de chêne-liège, qui se consument lentement sans donner de fumée, et qui dispersés par le vent allument des incendies.

Les dommages causés par le feu ne sont pas toujours irréparables ; lorsque le vent est assez fort, la flamme parcourt plus d’espace, mais ne fait périr que les arbres les plus jeunes ; lorsque le temps est calme, elle est plus tente et peut alors dessécher les souches. Les plus sont ordinairement détruits ; quant aux chênes-lièges, s’ils n’ont pas été démaclés, ils peuvent résister. Si au contraire leur écorce a été enlevée, un recépage devient nécessaire pour les empêcher dépérir ; mais quoi qu’on fasse, la perte est toujours considérable, puisqu’on est obligé d’abattre à la fois une grande quantité de bois, dont on avilit ainsi les prix.

Le moyen le plus efficace de combattre ces incendies est le contre-feu ; il consiste, comme le faisaient les trappeurs de Cooper dans les prairies américaines, à allumer dans la direction que suit l’incendie un feu que l’on dirige soi-même, et qui, détruisant tous les arbustes innommables, enlève au fléau tous les moyens de se propager. On creuse aussi avec