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dance qu’une victoire prussienne ferait assurément disparaître. Il n’est point impossible qu’un succès de notre armée ne soit le moyen diplomatique le plus efficace de convaincre ces populations du désintéressement de la France et de les ramener à la vérité. Tous ces intérêts menacés sont nos complices, s’ils ne sont pas de fait avec nous dans la guerre, et, si même quelques-uns sont contre nous, ils profiteront de notre victoire.

Que feront les autres pays ? Pour tous, la neutralité semble devoir être le mot d’ordre. Le mot de neutralité, il est vrai, peut cacher des nuances de sentimens assez différentes, depuis la sympathie secrète jusqu’à une inquiétude un peu agitée. L’Italie ne se séparera pas certainement de la France dans la neutralité amicale qu’elle observe. Les partis extrêmes ont pu essayer quelques manifestations. Le gouvernement, les libéraux modérés, par qui l’indépendance italienne existe, savent bien que pour leur pays la France est l’alliée permanente, sérieuse, efficace, que l’alliance de la Prusse n’a été qu’un accident favorisé par notre politique elle-même, et que, par une invincible solidarité, l’Italie serait peut-être la première à ressentir le contre-coup d’une défaite française. Entre les deux pays, il n’y avait qu’une difficulté, ou tout au moins une cause de malaise possible, l’occupation d’une partie de l’état pontifical par une de nos divisions. Cette cause disparaît aujourd’hui, nos soldats, laissés jusqu’ici à Civita-Vecchia, vont rentrer pour aller camper sur le Rhin, et la cour de Rome, convenons-en, a fait ce qu’elle a pu pour hâter cette résolution. Lorsque le pape réunissait le concile, il ne se doutait pas que ce dogme de l’infaillibilité, auquel il attachait tant de prix, serait proclamé au bruit d’une formidable guerre, et qu’il nous aiderait à sortir d’un embarras inextricable. L’infaillibilité est proclamée aujourd’hui malgré les efforts de vingt-cinq de nos évêques, qui ont fini par s’abstenir, et nos soldats sont rappelés. Entre la France et l’Italie, il ne reste qu’un sentiment renaissant de solidarité, et le ministre des affaires étrangères de Florence, M. Visconti-Venosta, donnait lui-même l’autre jour sa vraie signification à l’attitude italienne en s’élevant avec autant d’éloquence que de fermeté contre toute politique qui saisirait cette occasion de créer des embarras à la France. L’Autriche aussi est neutre, elle ne laisse point d’être embarrassée, non pas dans ses sentimens, qui ne peuvent la rapprocher de la Prusse, son ennemie intime, mais dans sa conduite. Si elle se prononce, elle risque de froisser ses populations allemandes, sans parler d’autres dangers ; si elle reste immobile, elle est exposée à jouer le rôle de la France en 1866, et en fin de compte elle semble devoir se borner pour le moment à réunir un corps d’observation de 50,000 hommes en Bohême. L’Autriche, quoique ayant tous ses intérêts avec la France, ne fait rien parce que, si elle avance d’un pas, elle peut attirer la Russie, et la Russie à son tour, quoique naturellement bienveillante pour la Prusse, n’avance pas davantage, parce que