Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

délices des études qui lui ont valu tant de succès à l’université. En 1858, il a donné en trois volumes un ouvrage sur Homère plein de science, un peu lourd peut-être, qu’il vient de publier une seconde fois, refondu et considérablement abrégé, sous le titre séduisant de Juventus mundi, la jeunesse du monde. Il n’y a pas longtemps, à propos d’un livre intitulé Ecce homo, qui a fait grand bruit en Angleterre, il a publié un article auquel son nom donnait une certaine importance, et qui respire la foi religieuse la plus vive et la plus pure. Au gré de certains juges, ces divers écrits manquent peut-être de philosophie et de critique ; l’auteur s’égare volontiers dans les petits sentiers écartés qu’il se fraie à travers mille broussailles. Subtil et un peu chimérique, mêlant d’une façon quelquefois bizarre l’orthodoxie et l’érudition, il serait homme, comme Mme Dacier, à justifier par le discours de l’ânesse de Balaam celui du cheval d’Achille dans Homère. On se prend, en le lisant, à douter par momens qu’il soit un esprit juste ; mais ces ouvrages témoignent au moins d’une passion pour les études classiques et théologiques que les années n’ont point affaiblie.

M. Gladstone n’a-t-il jamais regretté cette passion d’écrire au milieu des embarras où l’a jeté plus d’une fois son premier ouvrage sur les Rapports de l’église et de l’état ? On ne lit guère ce livre aujourd’hui ; malgré le succès trop éclatant qu’il obtint lors de son apparition en 1838, il serait peut-être oublié, si Macaulay n’y avait attaché un article qui lui inflige une sorte d’immortalité. Je n’en parlerais même pas, si M. Gladstone n’y était revenu dans la brochure citée plus haut, car à quoi bon s’amuser à mettre en évidence une de ces contradictions si communes dans la politique, et j’ajouterai si excusables quand elles ne procèdent pas d’une versatilité intéressée ? Ce qui fit la gravité de cet ouvrage de théologie, c’est qu’il contenait une thèse politique, soutenue par un homme jeune encore, il est vrai, mais entré depuis plusieurs années dans la vie publique, ayant une situation considérable et déjà parfaitement au courant des exigences du gouvernement.

Qu’est-ce donc enfin que ce livre ? Le second volume, consacré à la question spéciale des rapports de l’église et de l’état dans le royaume-uni, se lit encore avec intérêt et avec profit ; quant au premier, qui roule tout entier sur la partie générale du sujet, en le parcourant, on se croirait en plein moyen âge avec ceci de plus choquant, que les prétentions théocratiques y sont élevées au nom d’une église dont l’origine hérétique et politique est connue de tout le monde. D’après la théorie de l’auteur, l’église et l’état ont même domaine. L’état a, comme tel, une conscience propre, parfaitement distincte de la conscience des individus qui composent la nation ; il ne peut accomplir sa fonction qu’à la condition de s’appuyer