Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/706

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont été de 6,427, et cela pour une campagne de quelques jours. On manque de détails au sujet des pertes de l’armée autrichienne, mais elles auront été plus considérables de toute façon.

Lorsque les faits relatifs à la guerre de Crimée eurent été constatés en France, on voulut savoir pourquoi et comment tant de nos compatriotes avaient péri en dehors des combats. On en trouva dans les rapports des médecins l’explication détaillée, nous la résumons rapidement.

1° Le recrutement a des exigences excessives ; on fait entrer sous les drapeaux un certain nombre de sujets qui n’ont pas la force physique nécessaire pour ce rude métier. On se flatte d’en faire des soldats ; on n’a que des piliers d’infirmerie et d’hôpital, dont l’inefficacité et l’existence misérable encombrent l’armée, la gênent dans ses mouvemens, et sont loin d’en élever le moral.

2° La nourriture de l’armée française en temps de paix laisse à désirer, elle est rarement suffisante, et elle est sans aucune variété, ce qui est une cause de fatigue et de faiblesse.

3° On néglige dans l’armée française la propreté, dont le prédicateur anglais Wesley a dit que c’est plus qu’une qualité, — une vertu. Les physiologistes ajoutent que c’est une des pratiques qui dans une grande agglomération d’hommes contribuent le plus à la santé commune, et dont l’absence est une des causes déterminantes de l’apparition de cette espèce d’ange exterminateur qu’on nomme le typhus.

4° Le nombre des médecins dans la guerre de Crimée a été fort insuffisant. Ils se sont multipliés par leur activité, ils ont fait des efforts surhumains ; mais l’effet même de ce dévoûment a été de les diminuer : 82 sur 450 sont morts à la peine, victimes ignorées du sentiment du devoir.

5° On a violé les deux lois les plus notoires de l’hygiène, celle qui interdit l’encombrement dans les ambulances, les infirmeries et les hôpitaux, celle qui recommande la ventilation de ces différens asiles et la mobilité des premiers, dont le nom même indique qu’on les considère comme destinés à se déplacer, afin d’éviter l’infection que répand autour d’eux tout ce qui en est rejeté. Les médecins chargés de la haute direction du service de santé ont réitéré à cet égard leurs avis pressans : vains efforts ! ils sont rentrés l’un après l’autre, les uns, comme Baudens et Scrive, pour mourir presque aussitôt, un autre, M. Michel Lévy, avec une santé délabrée, tous ayant consigné dans leur correspondance avec l’administration supérieure la preuve de leur zèle pour le bien public et de leur courage à remplir leurs devoirs par des avertissemens sincères et donnés à propos.