avait peur de ta force ; — devant toi tremblait le païen, — le chrétien espérait en toi ; — à peine brillait ton glaive, — déjà la victoire était remportée.
« Mais, hélas ! malheur ! — Un seul jour de combat a été suffisant pour terminer la bataille de Mohàcs, — et la terre vacillante cessa de porter sur son dos mobile — le grand nom que tu avais. — Ta félicité devint du fiel, — ta splendeur s’obscurcit, — le sort était contre ton bonheur, — la gloire des Magyars s’ensevelit dans l’obscurité !
« Lajos, Lajos ! où es-tu, charmant jeune roi[1] ? — étoile des Magyars, rameau de fleurs orné, — avec ta figure si douce et si royale, — toi, dont la vie trop aimée était si délicate, où es-tu ? — Lajos, comme je retiens mes larmes, — toutes mes lamentations ! — Notre chère patrie tomba, — notre couronne a dépéri avec elle.
« Seigneurs du royaume, grands barons, héros, guerriers, — maîtres, serviteurs, chefs et plèbe, — exprimez, maintenant réunis, votre amère douleur ; — toutes vos joies ont été enfermées dans une tombe !
— Cesse, musique retentissante, — prends du repos, résonnante guitare ; — joyeuses vallées, forêts vertes, — champs fertiles, affligez-vous.
« Conseillers, barons du royaume, chefs de mille guerriers, — généraux, administrateurs du royaume, — vingt-cinq mille braves d’élite, — cavaliers, gens de pied, tous nobles hommes, — vous vous êtes levés en ce jour de deuil, — vous êtes allés à la mort, — les collines de Mohács vous accablent, elles couvrent vos os !
« Florissantes filles et femmes des Magyars, — faites entendre d’unanimes lamentations de douleur. — Avec une couronne de roses flétries, — pleurez tristement vos morts en robes de deuil. — La fleur de notre peuple, — la force magyare est perdue, — les dix colonnes de notre sainte église, — les-forts chevaliers de notre royaume !
« Païen, Turc, image maudite de Dieu, — cruel sauvage nourri du fait des tigresses, — n’avoir pas épargné une si belle et si noble troupe, — avoir même précipité à terre de pareils hommes ; — crois-tu que ce soit de la gloire ? — C’est plutôt une fureur bestiale ! — Ne t’imagine pas que tu aies triomphé, — le jour du malheur arrivera pour toi aussi.
« Dieu voit ce (spectacle), et il le regarde avec compassion ; — le brillant soleil est certainement un deuil, — et la puissante dame des Magyars (la Vierge) sur le rayon du soleil, — nous la verrons, elle foule sous ses pieds la lune[2] : — grâce à elle, la lune — se plie devant la croix double[3] — Il arrivera, le temps où elle l’abattra, — notre âme nous le prophétise. »