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primant toutes les autres, l’indépendance nationale, la conscription, la réduction de la rente et le commerce. Les motifs de mécontentement qu’il leur donna sur d’autres points pâlirent à côté de ces intérêts de premier ordre ; mais, si la Hollande eût été complètement délivrée de ses inquiétudes sur ces questions vitales, il n’est pas probable que la bonne harmonie eût duré très longtemps entre le roi et son peuple. Les difficultés religieuses et politiques n’eussent pas tardé à paraître. Quand on pense, par exemple, à la réaction catholique des années qui suivirent 1815, on a bien de la peine à se représenter un roi attaché, nous pouvons le dire, avec quelque superstition au catholicisme régnant tranquillement sur un pays tel que la Hollande. Il faudrait bien peu connaître aussi le caractère hollandais, paisible, mais très frondeur, pour s’imaginer que le peuple qui, à l’époque où l’absolutisme était général en Europe, n’avait pas même consenti à décerner la couronne à des princes dont il était enthousiaste, se fût contenté longtemps de la constitution que lui avait octroyée le génie dictatorial de Napoléon, Le roi Louis aurait-il fait les concessions qu’on n’eût pas manqué de réclamer ? Il se croyait sincèrement libéral, et même à quelques égards il l’était plus que beaucoup de ses contemporains et des nôtres. Il n’en est pas moins vrai qu’il était fort jaloux de son autorité personnelle. Il entendait qu’un roi eût toujours un pouvoir assez grand pour faire le bien et empêcher le mal. Ses bonnes intentions lui paraissaient aisément suffisantes pour l’autoriser à franchir les limites légales. Il aimait à légiférer, à réglementer, il poussait ce goût jusqu’à la minutie, et souvent avec un sentiment moins que médiocre des droits individuels. Par exemple, on raconte encore en Zélande comment il s’imagina de récompenser les mères nourrissant elles-mêmes leurs enfans en décrétant que seules les mères-nourrices auraient désormais le droit d’orner leur tête d’un certain bijou assez original qui fait partie du costume local, et que les femmes du pays portent sur le front, à la Sévigné. Jamais décret royal ne fut plus mal obéi. Le roi Louis avait en médecine des idées fixes, et dans ses Mémoires il expose gravement tout un plan sanitaire, d’après lequel on eût érigé aux environs des villes des maisons dites de convalescence, où tous les malades eussent été forcés de se rendre, et cela pour prévenir les contagions. Il y aurait eu dans un journal fondé exprès une critique publique, officielle, des médecins toutes les fois qu’un de leurs cliens aurait succombé. Il trouvait d’ailleurs qu’il y avait trop de médecins, et qu’il fallait en diminuer le nombre pour qu’il n’y en eût que de premier mérite. On indiquerait les meilleurs au public, et on interdirait tout mariage entre gens mal conformés. Nous pourrions citer d’autres exemples de ce