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comme chargé d’affaires après le départ du ministre de France, il lui fut signifié que les troupes françaises allaient occuper Amsterdam comme les autres villes. Déjà l’avant-garde de douaniers qui les précédait partout était aux portes de la ville.

Louis se crut dès lors dégagé de tout devoir envers un frère qui foulait ainsi aux pieds la bonne foi politique. Il fit fermer les portes de Harlem devant le détachement français qui avait ordre d’occuper cette vile, il résolut d’appeler la nation aux armes et de défendre Amsterdam jusqu’à la dernière extrémité. Il convoqua ses ministres, ses généraux, ses amiraux, et leur fit part de sa résolution. « C’est le moment, leur dit-il, de montrer que vous êtes dignes de vos ancêtres. » Une dernière et cruelle déception lui était réservée. On l’estimait, on l’aimait personnellement malgré les maladresses et les fautes de détail qu’il avait commises ; mais ce n’était pas pour lui qu’on l’aimait. Dans d’autres circonstances, à la voix d’un prince d’Orange faisant vibrer tous les vieux souvenirs dans les masses populaires, peut-être eût-on vu le peuple néerlandais prendre une de ces résolutions froidement désespérées qui lui ont valu de si belles pages dans l’histoire ; la situation où il se trouvait au temps et sous le sceptre du roi Louis ne permettait pas d’y songer. Sans doute Amsterdam pouvait être mise promptement en état de défense et se défendre très longtemps ; mais il était bien tard pour faire les préparatifs nécessaires quand les Français déjà étaient à Leyde et même plus loin dans la direction de la capitale hollandaise. Puis il eût fallu que la ville entière fût unanime pour affronter cette extrémité, comme elle le fut en 1813 lors de la grande insurrection. Louis était aussi impuissant pour souffler le feu de la résistance acharnée que Napoléon lui-même le fut en 1814 et 1845 pour soulever la nation française contre ses envahisseurs. Tous les personnages notables qu’il avait convoqués, les amiraux et les généraux comme les autres, lui répondirent avec toutes les formes de respect qu’il fallait céder à la volonté du plus fort. Quelques-uns même insistaient pour qu’il restât roi de Hollande à Amsterdam malgré l’occupation de la ville. C’était également l’avis de M. Serrurier, que dans ce moment de crise le roi avait appelé pour lui demander ses conseils. Le roi rejeta cette proposition, qui eût fait de lui un mannequin entre les mains du commandant français. Il insista encore sur la nécessité de se défendre à outrance, « Ce serait inutile, lui fut-il répondu. En supposant ; qu’on eût le temps de s’y préparer enlace des avant-postes français, nous livrerions tout le pays aux horreurs d’une conquête violente, nous ne serions même pas soutenus par l’énergie de la population, qui est profondément découragée, et nous devrions enfin nous rendre après avoir perdu