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acte de faiblesse. La mansuétude, l’oubli des injures n’existent pas pour eux ; ces vertus leur sont inconnues. Avec ces peuples, on est condamné à toujours frapper et punir. Dans ces trois campagnes, la nécessité de vaincre a imposé au gouvernement des sacrifices sans proportion aucune avec le but qu’il fallait atteindre. L’intérieur de l’empire aurait été parfaitement tranquille, si le fanatisme hindou ne renfermait pas aussi de nombreux élémens de désordres sociaux. Sur un des points maritimes de la côte ouest de la grande presqu’île du Sondjerat, s’élève la ville de Krishna, d’accès très difficile. Au centre de cette ville et sur une éminence a été construit un des sanctuaires les plus vénérés de l’Inde, où des multitudes innombrables de pèlerins accourent chaque année. La tribu des Vaghurs, qui le possède, vit en grande partie des offrandes de ces pèlerins. N’ayant aucun goût pour un travail régulier, quand cette source de revenus leur fait défaut, ils y suppléent par le vol, le brigandage et la piraterie. Au commencement de ce siècle, la compagnie des Indes avait dû employer pendant plusieurs années la force pour les contraindre à rester tranquilles. Cette surveillance étant pénible et coûteuse, la compagnie s’en exonéra en cédant ce district au rajah de Guickwar ; mais celui-ci, n’ayant pu triompher de la turbulence de ses nouveaux sujets, les rétrocéda aux Anglais. Forts de l’impunité dont ils avaient joui et de la terreur qu’ils inspiraient, les Vaghurs franchirent toutes les bornes, et se livrèrent sur terre comme sur mer à toute espèce de déprédations. Cet état de choses ne pouvait pas être toléré plus longtemps. L’agent politique de la province, le colonel Anderson, se met à la tête d’un détachement de cipayes et poursuit ces mécréans l’épée dans les reins. Ils se retranchent sur le sommet d’une colline de 300 pieds de hauteur. Leur camp est emporté d’assaut, et la plupart sont mis à mort ou faits prisonniers.

Tels sont les événemens qui ont eu lieu pendant cette période dans le domaine de la guerre. Point de mouvement considérable, aucune velléité d’agrandissement ne s’est fait jour dans les régions du pouvoir. Chaque expédition a eu pour objet de faire régner sur les frontières la sécurité et la paix. L’empire anglo-indien paraît être solidement établi. Le danger, s’il en peut surgir, lui viendra de l’intérieur ; mais pour le moment, et sans doute pour bien des années encore, l’ordre et la paix y étendront leur bienfaisante influence. L’on peut donc en étudier la situation intérieure sans craindre que les événemens viennent rendre le tableau incomplet ou défectueux.