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militaires excessives dont on pressurait un pays qu’on allait priver d’un quart de sa population. En même temps il fit un pas très grave, auquel il avait déjà songé, mais que, pour toute sorte de raisons, il avait toujours ajourné. — Il chargea son aide-de-camp, le comte de Bylandt, d’une lettre adressée au président du conseil des ministres, qui contenait l’ordre de l’avertir dès que les troupes françaises auraient mis le pied sur un point quelconque du royaume, de ne pas résister, si, malgré les protestations des officiers qu’on devait envoyer tout exprès, les commandans français passaient outre, de concentrer la garde royale et un régiment dans Amsterdam, et « de prendre toutes les mesures en leur pouvoir, quand même elles dépasseraient les instructions laissées à son départ. » Cette dernière phrase était vague d’expression, mais le sens n’en pouvait être douteux. Elle signifiait : prenez, si vous voulez et si vous osez, des mesures de défense à Amsterdam ; je n’ai pas envie de vous désavouer, mais je dois m’en réserver la faculté. Les ministres hollandais ne se sentaient pas pressés de dépasser dans cette direction les termes de la lettre du roi. Tous, à l’exception du ministre de la guerre, redoutaient pour leur pays une attitude qui eût attiré sur lui tous les maux de la guerre, et qui eût d’ailleurs comblé les vœux de Napoléon en lui offrant un si beau prétexte de s’emparer de la Hollande par droit de conquête. Aussi prièrent-ils le roi de s’expliquer, mais il n’eut garde de les satisfaire.

Le temps s’écoulait ainsi en pourparlers stériles, et les événemens marchaient. Le 7 janvier, Louis put savoir que le maréchal Oudinot, duc de Reggio, avait reçu l’ordre d’aller prendre le commandement de l’armée du nord. Ce n’était pas sans motif grave qu’on envoyait un maréchal commander une armée qui n’avait pas d’ennemi connu devant elle, car Walcheren était depuis des semaines complètement évacuée par les Anglais. L’empereur insistait de nouveau sur une convocation de notables hollandais à Paris. « J’ai fait une sottise, disait-il, de changer en Hollande le gouvernement républicain ; je crois qu’il m’aurait mieux convenu que la monarchie. » Napoléon, à son point de vue, n’avait pas tout à fait tort. Un gouvernement national eût plus facilement obtenu du pays de lourds sacrifices dans l’intérêt du maintien de l’indépendance, et de son côté Napoléon aurait eu moins de mesure à garder avec un conseiller-pensionnaire qu’avec un frère couronné par lui ; mais la sottise était faite, et il était dur pour la Hollande d’en payer les frais. Le roi crut alors qu’il devait obtempérer au désir de l’empereur et convoquer une consulte de notables. Roëll s’y opposa de tout son pouvoir, et refusa catégoriquement la présidence que le roi lui offrait. Le roi lui-même, après réflexion, revint à ses premières répugnances, et offrit à l’empereur de consulter plutôt le corps législatif de Hollande. A sa