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végétaux, auxquels il faut en ajouter d’autres d’un caractère encore plus méridional. Le laurier-rose fleurissait alors sur les bords de la Saône et s’y mariait au laurier des Canaries, au bambou, au magnolia, au chêne vert. Cet ensemble, composé d’essences dont les exigences climatériques sont faciles à apprécier, assigne à la contrée qui les voyait croître une moyenne annuelle de 18 degrés centigrades. La moyenne actuelle de Lyon étant de 11 degrés centigrades seulement, on peut aisément juger de la différence qui sépare les deux époques. Cette différence ne saurait d’ailleurs être fixée d’une façon plus précise, puisque l’on connaît très bien le degré de chaleur nécessaire pour que le laurier-rose développe ses fleurs et le degré de froid suffisant pour faire périr le laurier des Canaries. Le climat qui permettait à ces deux arbres d’être réunis dans une même contrée peut être défini avec autant de certitude que s’il s’agissait de celui d’un pays que nous habiterions.

Il est vrai qu’au moment où les espèces actuelles disparaissent pour faire place à d’autres plus ou moins éloignées des premières ou même ayant appartenu à des genres particuliers, il est plus difficile de se prononcer sur la nature du climat contemporain de ces espèces ; les conclusions que l’on proclame devraient, à ce qu’il semble, perdre de leur netteté dès que les indices sur lesquels le calcul se base deviennent moins précis. En réalité, le fil de l’analogie est un guide tellement sûr, un moyen d’investigation si puissant, qu’il s’amincit sans se rompre, et que l’observateur qui en est muni, même en accordant une large part à l’incertitude, parvient encore à de surprenans résultats. En effet, ce sont non pas seulement les espèces, mais encore les genres et les familles dont les aptitudes, lorsqu’elles sont bien déterminées, permettent de définir la nature de climat propre au temps où ils ont vécu. Les palmiers, les camphriers, les cannelliers, les bananiers, les dragonniers, les baquois, les cycadées et plusieurs autres catégories de végétaux sont trop exclusivement caractéristiques des régions chaudes pour ne pas trahir les mêmes exigences dans le passé. Le naturaliste qui constate l’existence de l’un de ces groupes ne saurait donc errer que dans de faibles limites, et dans un pareil ordre de recherches c’est déjà beaucoup que d’atteindre à la vérité approximative.

Non-seulement le chiffre qui exprime le climat de Lyon à l’époque pliocène se trouve plus élevé que celui qui s’appliquait aux environs de Marseille pour l’époque quaternaire, mais, au lieu de correspondre au 43e degré de latitude, ce chiffre plus élevé coïncide avec le 46e ; il marque ainsi une progression de la chaleur, ou processus calorique, dans le sens des latitudes, qui tend à repousser vers le nord les hautes températures à mesure que l’on s’enfonce