Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eaux de la Seine dans ce même temps représenté comme.si froid, tandis qu’une coquille remarquable des bords du Nil (cyrene fluminalis) se montrait dans la Somme, et que l’hyène du Cap fréquentait la France méridionale. L’examen de la végétation forestière, dont les tufs contemporains de ces animaux renferment beaucoup de débris, conduit aux mêmes résultats : la vigne, le laurier et le figuier s’y présentent en abondance dans le midi de la France ; on y rencontre même le laurier des Canaries, bien plus délicat que le nôtre. Les arbres du nord à la même époque étaient des pins, des tilleuls, des érables, des chênes.

Il est impossible de se refuser à l’évidence, le climat comme les animaux et les plantes arctiques n’existaient alors que dans le voisinage des glaciers eux-mêmes. En les quittant, on aurait rencontré au sein des vallées inférieures un climat plus doux, mais aussi bien plus humide que le nôtre. Entre des manières devoir si divergentes, la conciliation n’est pas impossible depuis que le docteur Hochstetter a rendu compte des observations de M. Haast sur les glaciers de la Nouvelle-Zélande. Ces glaciers, situés sous une latitude moins avancée que ceux de nos Alpes et disposés sur les flancs de cimes bien moins élevées, descendent pourtant beaucoup plus bas au fond de vallées dont le climat est à la fois très tempéré et très humide. Des essences délicates, mêmes des fougères en arbre, peuplent ces vallées de la Nouvelle-Zélande à une faible distance des masses glacées, et les deux extrêmes se rencontrent. C’est donc à ce dernier résultat que nous amènent toutes les considérations réunies : beaucoup plus d’humidité, mais aussi plus d’égalité et même d’élévation caloriques dans le climat, dès que l’on s’enfonce dans le passé de notre globe. C’est un premier point qui demeure acquis ; mais tous les autres vont suivre, et nous les verrons s’enchaîner dans une progression constante et régulière. Le mouvement en effet ne s’arrête pas, et de plus il n’a rien d’oscillatoire ; il se déroule en remontant d’âge en âge par une marche que rien ne semble entraver.

Nous n’avons effectivement qu’à nous transporter un peu plus loin dans l’époque immédiatement antérieure à l’extension de la race humaine[1], pour constater le progrès manifeste de la chaleur. La moyenne de chaleur annuelle indispensable pour faire végéter les lauriers, les vignes et les figuiers que nous venons d’observer en Provence pendant le quaternaire, ne saurait être évaluée à moins de 15 degrés centigrades. En nous plaçant en pleine période pliocène, c’est auprès de Lyon que nous rencontrons ces mêmes

  1. C’est la période qque les géologues nomment pliocène ou la partie la plus récente de l’âge tertiaire, âge dont la période miocène forme le milieu et la période éocène. La partie la plus ancienne.