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somme il fallait attendre qu’il eut fait ses preuves avant de lui accorder quelque confiance.

C’est qu’à la vérité la Nouvelle-Galles du Sud était une colonie bien autrement turbulente que la Tasmanie. On y comptait alors 250,000 habitans ; la population s’accroissait de 30,000 individus tous les ans. Les mines d’or y attiraient de nombreux aventuriers ; l’élève des troupeaux, entreprise sur une vaste échelle dans les plaines situées au-delà des Montagnes-Bleues, y avait créé d’impenses fortunes. Déjà vieille de soixante ans, la ville de Sydney renfermait une population née en partie dans le pays, et dont le temps avait effacé les taches originelles. Le gouvernement de la reine venait d’accorder une constitution représentative dont on avait hâte de jouir. Il appartenait à sir William de mettre en mouvement pour la première fois ce mécanisme parlementaire, dont les rouages neufs ne fonctionnent pas sans frottement. Il y apportait les dispositions les plus conciliantes, car voici ce que nous trouvons dans une de ses lettres, écrite peu de mois après son arrivée à Sydney, « Les journaux qui faisaient de l’opposition à sir Ch. Fitzroy m’ont entrepris à propos de quelques dépêches signées de moi et relatives au mode d’élection de la chambre haute. Ils en concluent que je m’efforcerai de renverser un système qui est contraire à mes vues personnelles ; mais ils se trompent étrangement. J’estime que tout changement est un mal auquel on ne doit s’exposer que pour éviter un plus grand mal, ou pour réaliser quelque résultat d’une bonté exceptionnelle. »

Qu’était la constitution nouvelle octroyée par le gouvernement britannique à la Nouvelle-Galles du Sud ? La première pensée des hommes d’état auxquels en revenait l’initiative avait été de la calquer sur celle du Canada, c’est-à-dire d’instituer un conseil législatif nommé à vie par la couronne et une chambre de représentans élus par les censitaires. Au reste le cens était abaissé autant que possible, car il suffisait pour être électeur de justifier d’un revenu annuel de 10 livres sterling ou d’une propriété d’une valeur de 100 livres sterl. en bien-fonds. Dans une contrée où l’argent avait peu de valeur et la terre s’acquérait facilement, le cens ainsi réduit n’était plus que la stricte expression d’une modique somme de travail et d’économie. Les affaires administratives devaient être conduites par un conseil exécutif ou conseil des ministres soumis à la censure du parlement. Les membres de ce conseil étaient le secrétaire colonial, le trésorier, le chef de la justice et quelques autres encore, au nombre de sept en tout. Enfin un article portait qu’aucun changement constitutionnel ne pourrait être introduit à moins de réunir les deux tiers des voix dans l’une et l’autre chambre. Cette dernière clause, qui semblait être un frein nécessaire contre des