Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entre les diverses constitutions dont se sont dotées ces sociétés, nouvelles : il ne peut y avoir d’uniformité lorsque les conditions d’être sont variées. De là aussi quelques difficultés à présenter sous une forme synthétique l’histoire et la forme du gouvernement de chacune d’elles ; mais ce qui échappe à des vues d’ensemble se prête à des descriptions de détail. Les mémoires que sir William Denison a récemment publiés, après avoir exercé vingt ans de sa vie l’office de gouverneur-général en Australie et aux Indes, nous initient assez bien aux embarras d’un haut fonctionnaire de ce rang, en même temps que ces récits font voir les hésitations politiques de colons nouvellement admis à se régir eux-mêmes. Peut-être conviendra-t-on, après avoir lu ce travail, qu’administrateurs et administrés se sont le plus souvent tirés avec honneur d’une situation ambiguë dont les uns et les autres avaient une égale inexpérience.


I

Au printemps de 1846, M. Gladstone, alors ministre des colonies, demandait à l’inspecteur-général des fortifications, sir John Burgoyne, de lui désigner un officier du corps des ingénieurs militaires propre à l’emploi de lieutenant-gouverneur dans l’île de Van-Diemen. Ce mode de recrutement appliqué aux plus hautes fonctions de l’administration coloniale étonnera peut-être ; il ne paraît pas que ce fût tout à fait conforme aux habitudes. Sir John Burgoyne fit profiter de cette offre le capitaine Denison, que recommandaient au surplus de nombreuses relations de famille.

Admis par le ministre des colonies, le capitaine Denison n’eut plus qu’à s’initier aux fonctions qu’il allait remplir. Il lui suffit, paraît-il, de quelques mois consacrés à l’étude des documens, notes et lettres que son prédécesseur avait envoyés depuis trois ans au colonial office ; puis il lui fallut se préparer à un long voyage et à un long séjour en Australie, dans un pays nouveau qui était alors bien peu connu. Ces préparatifs achevés, il s’embarquait avec sa famille, et faisait voile pour les antipodes, par la route du cap de Bonne-Espérance.

Qu’était en 1846 la terre de Van-Diemen, autrement appelée Tasmanie ? Située au sud du continent de l’Australie, presque aussi grande que l’Irlande, cette île n’était habitée, à l’époque de sa découverte, au commencement de ce siècle, que par un petit nombre d’indigènes qui ressemblaient sous bien des rapports à leurs misérables voisins, les natifs de la Nouvelle-Galles du Sud. Les premiers immigrans de race blanche furent des soldats envoyés de Sydney avec un convoi de convias en 1803. Comme le climat était doux, la