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enseigné toutes les recettes du formulaire. Ces excellentes femmes vont et viennent dans leur pharmacie proprette, manient les bocaux, font les dosages, préparent les drogues, roulent les pilules avec un aplomb charmant. D’un coup d’œil, elles lisent l’ordonnance, souvent hiéroglyphique ; en deux tours de main, elles ont préparé le médicament demandé, elles l’ont roulé dans un papier d’enveloppe ; par le petit judas ouvert sur la salle d’attente, elles le passent au malade qui l’attend, et qui presque toujours trouve « qu’il n’y en a pas assez. » Quelques-unes de ces pharmacies possèdent, sans peut-être s’en douter, des richesses qui seraient fort appréciées à l’hôtel des commissaires-priseurs : elles ont hérité, à la fin du siècle dernier, des drogueries des couvens supprimés par la révolution, et elles gardent des pots, des vases, des buires en faïence de Delft, de Rouen, de Haguenau, de Nevers, qui feraient se pâmer d’aise plus d’un amateur de bric-à-brac. Reléguées sur les armoires en chêne, ces potiches servent à décorer la pièce, aux murailles de laquelle on a accroché un crucifix et le portrait de saint Vincent de Paule. Le va-et-vient dans les maisons de secours est incessant. Pour les quartiers populeux, c’est l’endroit connu et respecté où l’on s’empresse d’accourir aussitôt qu’un accident est arrivé, qu’un malheur est découvert, qu’une infortune se fait jour. On sait que là on peut venir en toute confiance, que les formalités administratives sont négligées dès qu’il y a urgence apparente, et qu’on est toujours accueilli par des femmes pour lesquelles la charité est le premier devoir et le plus impérieux besoin.


IV

Tous ces dons, qui constituent ce que l’on appelle les secours ordinaires, sont distribués par les bureaux de bienfaisance, représentés par leurs commissaires, leurs dames de charité ou par les maisons de secours ; mais en vertu d’une décision adoptée depuis un arrêté administratif du 19 juillet 1816 et qu’on ne saurait trop louer, aucun père et aucune mère ne peuvent être inscrits sur les contrôles, s’ils n’ont fait vacciner leurs enfans et s’ils ne les envoient à l’école gratuite. Loin d’être onéreuse pour les pauvres, la vaccination leur rapporte même un léger bénéfice, car on donne 3 francs à l’indigent qui fait efficacement inoculer son enfant. Ce sont là deux mesures excellentes, car elles ont pour but de garantir autant que possible à cette population, ordinairement maladive et ignorante, la santé physique et la santé morale. Il est néanmoins des cas où l’on passe par-dessus toute considération et où l’administration centrale agit elle-même et accorde ce que l’on nomme les secours