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assez vaste entre dans le système hospitalier parisien, car on y établit un dépôt de mendicité ; en 1622, on le consacre aux vieillards infirmes ; en 1636, on y installe des pestiférés ; en 1656, Louis XIV l’adjoint comme boulangerie à l’hôpital-général, ce qui n’empêche pas qu’en 1663 on y donne asile à des femmes indigentes et à des filles-mères. En 1675, on le rend à sa destination primitive, tout en y ajoutant un abattoir et une fabrique de chandelles ; en 1801, on le réunit à l’administration des hôpitaux et hospices civils ; en 1849, l’assistance publique, le recevant dans ses attributions, y organise une manutention et une minoterie mues à la vapeur. Quoique les nécessités du service aient fait élever des constructions modernes dont le moellon et le plâtre sont les principaux élémens, ce qui reste de l’ancien édifice est un curieux spécimen de l’architecture de la renaissance, prise à ce moment où la brique va remplacer la pierre de taille et où l’ornementation, s’alourdissant de jour en jour, fait déjà prévoir la pesanteur qui l’attend sous Louis XIII. Dans la cour, une aile toute en brique d’un rouge foncé est portée sur six arcades surbaissées, dont quatre sont oblitérées par des fenêtres et des portes récentes. Au milieu des pendentifs, quatre médaillons en pierre sculptée représentent des têtes qui offrent un caractère remarquable, quoiqu’une seule soit intacte, et dont la vraie place serait au musée de l’hôtel Carnavalet plutôt que dans cette usine, où elles sont perdues pour le public, où des dégradations nouvelles peuvent constamment les atteindre.

Une machine à vapeur forte de 95 chevaux met en mouvement un moulin à l’anglaise muni d’appareils perfectionnés et installé dans les cinq étages d’un bâtiment élevé exprès. Là, dans de vastes greniers aérés de toutes parts, sont entassés les sacs de blé destiné à être trituré par des meules en belles pierres de La Ferté-sous-Jouarre. Plus loin, dans de larges cases en bois poli par l’usage, on enferme les farines, qu’on surveille attentivement pour éviter la fermentation, surtout en avril, à l’époque où le blé commence à pousser, et en juin lorsqu’il fleurit, car alors la vie particulière à l’espèce semble se réveiller et atteindre le grain pulvérisé à l’instant même où elle se développe dans la plante elle-même. Pour faire une expérience concluante sur la conservation du blé, on a construit cinq immenses silos en pièces de fer boulonnées, dans lesquels on a fait le vide, et que deux fois par an on charge d’azote. Ils renferment chacun 600 hectolitres de blé ; le plus ancien a été rempli le 23 novembre 1863 ; le grain qui s’en écoule lorsqu’on entr’ouvre le judas de prise paraît irréprochable[1]. Une amélioration fort

  1. La puissance germinative du blé semble se conserver indéfiniment ; des grains retrouvés dans des tombeaux égyptiens ayant plus de trois mille ans de date ont été semés et ont produit des épis d’une remarquable richesse.