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ouvertement à son mandat, l’administration ne peut refuser de secourir ceux qui légitimement s’adressent à elle ; quoiqu’elle surveille le patrimoine des pauvres avec une économie prévoyante et jalouse, sa fortune personnelle la laisserait impuissante à faire le bien. En effet, les dépenses ordinaires, prévues et calculées d’après une longue expérience, s’élèvent à la somme de 23,806,027 francs. Entre les ressources normales et les nécessités impérieuses, l’écart est énorme ; qui donc le comblera ? La ville de Paris elle-même, qui donne 10,601,747 francs à l’assistance, afin que celle-ci puisse convenablement remplir la haute mission dont elle est chargée. C’est un gros budget, et il y a en Europe plus d’un état qui n’en a point de pareil. C’est là ce que Paris, le Paris administratif, dépense pour ses pauvres, pour ses malades, pour ses infirmes, pour ses vieillards ; mais si nous essayons d’apprécier l’œuvre de la charité privée, si nous tenons compte des sociétés de bienfaisance, des quêtes faites à domicile et dans les églises, des dons en argent et en nature qu’on laisse à la disposition des particuliers, si nous constatons que tous les ministères ont des fonds de secours assez abondamment pourvus, si nous cherchons à évaluer l’importance des aumônes personnelles, si nous disons qu’un banquier célèbre distribue parfois d’un seul coup trente mille bons d’un kilogramme de pain, si nous rappelons que l’administration des secours donnés à la cassette impériale reçoit chaque année une moyenne de 73,000 demandes, dont la plupart sont accueillies favorablement, nous arriverons à cette conclusion, qui n’a rien d’excessif, que l’indigence parisienne absorbe annuellement plus de 40 millions, ce qui l’entretient peut-être au lieu de la diminuer,


II

En personne avisée, l’assistance publique possède des établissemens de service général où elle confectionne, où elle emmagasine les objets dont elle a besoin pour ses consommations journalières. De cette façon, elle supprime, autant qu’elle le peut, les intermédiaires, toujours onéreux, et elle est certaine de la sincérité des produits qu’elle emploie. C’est pour parvenir à ce double but qu’elle a une cave, une boucherie, une boulangerie, une pharmacie et un magasin central. La cave est située à l’entrepôt des vins et liquides[1], la boucherie fait partie de l’abattoir de Villejuif, la boulangerie fonctionne près de la rue du Fer-à-Moulin, dans la maison que Scipion Sardini, un riche traitant italien, s’était fait bâtir sous le règne de Henri III hors de l’enceinte de la ville. Dès l’année 1612, cet hôtel

  1. Voyez la Revue du 15 mai 1868.