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du grand bureau des pauvres et ceux de l’hôpital-général. Depuis Louis VII, qui institua une rente de 3 sous et 8 deniers, depuis Philippe-Auguste, qui, en 1208 et par acte authentique, abandonnait pour le coucher des malades la litière de paille qui garnissait les chambres du palais[1], on conserve précieusement et l’on pourrait citer le nom des 8,287 bienfaiteurs qui ont enrichi le patrimoine hospitalier. Quelques legs sont étranges : en 1199, un chanoine de Noyon laissa par testament à l’Hôtel-Dieu deux maisons dont le revenu devait être employé, le jour anniversaire de sa mort, à donner aux malades les alimens qu’ils désireraient. Par tous les moyens possibles, on encourageait les donateurs, et les papes leur accordaient des indulgences. On possède plusieurs brefs qui ne laissent point de doute à cet égard, car ils sont revêtus du sceau de l’Hôtel-Dieu représentant le bon pasteur tenant la brebis malade : deux étoiles brillent au-dessus de sa tête ; il est accosté, comme on dit en langage héraldique, de deux chênes laissant tomber leurs glands en signe de fécondité ; au-dessous du personnage, on voit les trois fleurs de lis de France, et autour de l’écusson ovale se déroule cette légende : sigillum indulgentiarum domus Dei parisiensis. A côté des dons en argent et en nature, des legs reçus par héritage, les rois accordaient des privilèges qui ne laissaient pas d’être fructueux : droit de prendre un panier de poisson et d’autres denrées sur les voitures arrivant aux halles (concédé en 1308 par Philippe IV, confirmé par Jean II en 1352), droit de pacage dans les forêts royales (Philippe VI, 1344), exemption des péages d’entrée, du logement des gens de guerre, des frais de chancellerie ; enfin, au milieu de cent autres concessions qu’il est superflu d’énumérer[2], il convient de rappeler la singulière autorisation que le 29 janvier 1574 Charles IX accordait à l’Hôtel-Dieu de placer 1,000 livres de rente au taux usuraire de 12 pour 100. Au moment de la révolution, le revenu de tous les établissemens laïques de bienfaisance de Paris s’élevait à la somme de 8,087,980 livres, et il ne faut pas oublier que Loménie de Brienne ne s’était point gêné pour y porter la main en août 1788.

  1. « Philippus, Dei gratia Francarum rex… domui Dei parisiensi… concedimus ad usum pauperum ibidem decumbentium omne stramen de camera et domo nostra parisiensi. »
  2. « Le lit de l’évêque de Paris et du chanoine mort appartenait à l’Hôtel-Dieu. Lorsque la mollesse et le luxe eurent introduit des lits mieux fournis et plus riches, il y eut souvent entre les créanciers de l’évêque et cet hôpital des contestations sur les rideaux, la courte-pointe et le nombre des matelas. Le parlement, en 1654, débouta de leurs oppositions les créanciers de François de Gondy, archevêque de Paris, et adjugea son lit, avec tous les accompagnemens, à l’Hôtel-Dieu : ce fut le lit de noces de la fille d’un des économes. » Sainte-Foix, Essais sur Paris, t, II, p. 7 ; éd. 1766.