eux-mêmes ou par les générations qui les ont précédés des réminiscences d’une autre patrie. Ce serait donc à ces populations d’origine mixte, étroitement liées à l’Europe par des conformités de mœurs, de langues et de traditions, qu’on voudrait donner le goût d’une rupture qui des produits s’étendrait aux hommes ! Déplorable inspiration ! Y songer d’une manière absolue serait tout simplement insensé, d’une façon relative et par des difficultés de détail est peu digne d’un peuple qui, bienveillant ou hostile, n’a jamais caché ses desseins.
Ce qu’ils sont, comment le méconnaître ? Ils sont ce que les a faits un long exercice de la liberté sous des chefs qui veillaient avec une sollicitude ombrageuse à ce qu’elle passât intacte dans les lois, non pas la liberté équivoque dont se contentent nos sociétés vieillies, ni même cette liberté qui choisit et distingue, dans les formes qu’elle adopte, celles qui laissent quelque place à la fantaisie, mais la liberté qui comprend tout et ne spécifie rien, la liberté dans la plus large acception du mot. Voilà ce que sont les Américains, voilà leur vraie physionomie ; y changer un trait suffirait pour l’altérer ; hors de la liberté, ils perdent leur caractère ; elle a été leur grande, presque leur seule force, et jusqu’ici le sujet de leur légitime orgueil. Comment croire maintenant que ce peuple, qui doit tout à la liberté, qui est tout par elle, se prêtera longtemps et de gaîté de cœur à la laisser mutiler dans l’une de ses applications les plus utiles, qu’il restera dupe des sophismes qu’on lui débite pour justifier ce sacrifice ? Non, ce n’est là qu’un malentendu, une gageure contre le bon sens du peuple, l’instinct universel, la saine notion des choses, et plus l’aberration aura été longue, plus marqué sera le retour à une vue plus juste, à une opinion plus éclairée.
Enfin les formalistes du congrès n’ont pas compris davantage le monde dans lequel ils vivent : quoi de mieux démontré ? C’est une vie de séquestre, un système d’isolement qu’ils proposent depuis huit ans au vaste empire qu’ils administrent. Le séquestre, l’isolement ! mais de quels faits s’inspirent-ils donc pour croire que le moment se prête à de semblables extrémités ? Les sociétés modernes se recueilleraient-elles par hasard dans une existence contemplative ? y aurait-il en quelque endroit des signes d’un besoin quelconque de se tenir à l’écart les uns des autres ? Bien loin de là. Jamais les hommes n’ont donné des gages plus irrécusables du désir qu’ils ont de se rapprocher ; jamais les instrumens de ce rapprochement n’ont été plus multipliés, plus commodes, mis à la portée de plus de gens. Ce mouvement, ce besoin d’échanges, se sont étendus, s’étendent de plus en plus aux produits des industries ; on sait avec quelle énergie ils se sont portés vers la communication des