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Ces fautes sont celles que le rapport du commissaire Wells, avec quelques ménagemens dans les formes, signalait au comité des voies et moyens : la prétention de rembourser la dette immédiatement et à tout prix, la prétention de mettre ce remboursement à la charge de l’industrie européenne par la hausse indéfinie des tarifs. Certes on conçoit qu’un peuple qui jusqu’alors n’avait pas eu de dette permanente ait ’été troublé à l’idée d’ouvrir son grand-livre par un passif de 15 à 16 milliards de francs, on conçoit également qu’il n’ait pu songer sans dépit à cette masse de papier-monnaie sujette aux fluctuations du change et constituant à ce titre une circulation irrégulière ; mais avec plus de sang-froid on eût trouvé, pour combattre le mal, des moyens plus simples, plus sûrs, moins équivoques. L’Angleterre avait fourni aux hommes de sa race un exemple de ce que peuvent dans ce cas le concours et le bénéfice du temps. En 1815, après les derniers coups portés à l’empire français, elle restait chargée d’une dette de près de 22 milliards de francs dans des conditions identiques à celles-où se sont trouvés les États-Unis après leur victoire : épuisement de ressources, or soumis aux variations du change, papier-monnaie à cours forcé. Que se passa-t-il alors ? Chercha-t-on dans un surcroît d’impôt l’amortissement rapide de la dette ? Non. Il y eut là des hommes qui, à la connaissance des faits, unissaient le respect des doctrines : Ricardo, Huskisson, Canning lui-même, tous trois illustres à divers titres et dont l’Angleterre suivit les inspirations. Ils se dirent qu’on ne refait ni le crédit ni la fortune d’un état en poussant à bout des populations obérées, et que le vrai réservoir pour les dépenses publiques est dans la reconstitution des épargnes privées. Donc point d’impôt affectant les facultés de produire, point même d’amortissement déterminé, mais simplement l’excédant de la recette sur la dépense, quand il y en a un, appliqué au remboursement de la dette. Voilà depuis Canning la marche suivie, et Huskisson y ajouta les premiers adoucissemens au tarif de douane qu’ait connus la fiscalité jusqu’alors ombrageuse de l’Angleterre. L’événement a confirmé la sagesse de cette conduite. La dette anglaise n’est pas éteinte, il est vrai, ni sensiblement diminuée, on n’y prétendait pas : elle est toujours aux environs de 19 milliards de francs ; mais avec quelle aisance le pays en porte le poids, comme elle est allégée par cette réduction imperceptible que lui apportent les années ! Ni le mouvement de la population, ni l’accroissement de la richesse ne s’en ressentent ; la politique n’en éprouve pas plus de gêne que la gestion financière. Quand des besoins imprévus se déclarent, on puise dans l’impôt ou dans l’emprunt indistinctement, et c’est ainsi qu’ont été traversées presque avec aisance les quatre guerres de Crimée, de Chine, de l’Inde et de l’Abyssinie. Un dernier trait au tableau, c’est que cette