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commissaire spécial du revenu ; l’autre consistait dans la dévolution faite à quelques industries, sous forme de privilège, d’une partie des profits, dont l’état se trouvait dénanti par le jeu incident des tarifs. C’était le motif donné par les membres du comité des voies et moyens, qui voyaient là un abus, et un abus criant dans un régime où les chances devaient rester égales pour tous les citoyens, comme les droits étaient égaux. Pour l’un et l’autre objet, la conclusion était un plan de réforme. Quant à la prétention du représentant de la Pensylvanie de tenir les consommateurs américains pour exonérés des taxes que les produits acquittaient à l’entrée et de n’y voir qu’un moindre bénéfice pour le producteur et les intermédiaires européens, c’était là trop de candeur ou trop d’habileté chez un homme rompu aux affaires. S’il se fût agi de taxes modiques, 3, 4, 5 pour 100, on eût pu rechercher sur qui elles pesaient le plus, de l’expéditeur ou du client d’outre-mer ; mais devant des taxes de 50 à 60 pour 100, comment avancer, en gardant son sérieux, qu’il s’en faisait en Europe une compensation anticipée sans que nul Américain eût à y contribuer, même pour une petite part ? 50 pour 100 ! mais les Lombards du moyen âge eussent rougi de bénéfices si usuraires, et au XIXe siècle ces bénéfices n’existent, pour les articles courans, chez aucun peuple civilisé. Des taxes de 50 pour 100 et plus, c’est immanquablement le consommateur qui les paie, et toute la science économique de M. Kelley ne saurait infirmer cette vérité.

Dans d’autres parties de ses répliques, l’avocat des gros tarifs a montré pourtant plus de tact et en faisant la part des exagérations il y a intérêt à lire les détails qu’il donne sur l’industrie du fer a une date très récente, notamment sur les aciers fondus ou aciers Bessemer, et sur les fontes brutes ou fontes en saumons. On sait que l’acier Bessemer tend à s’emparer de la fourniture des voies ferrées à des prix de plus en plus modérés et avec une durée sept ou huit fois plus grande que l’ancien métal. Peu d’inventions ont eu une vogue aussi rapide, et pourtant en 1864 aucun essai n’avait encore eu lieu aux États-Unis. Les risques étaient grands, il est vrai ; même en Angleterre, siège de la découverte, on hésitait sur les procédés, et on n’atteignait pas des prix marchands capables de donner au produit un débouché assuré. N’importe, des Américains courageux se mirent à l’œuvre, et M. Kelley raconte leurs déconvenues. Le plus bas prix auquel on pût alors se procurer les rails en acier Bessemer était de 150 dollars par tonne, fret compris ; c’était également ce qu’avaient payé pour de petits lots les agens de diverses compagnies de chemins de fer. On tabla là-dessus, et, les sites une fois choisis, deux ou trois entreprises se montèrent. Rien ne s’improvise. Pour construire les bâtimens, commander et installer les