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I

C’est devant le comité des voies et moyens que le débat s’est d’abord engagé. M. Wells y défendait son rapport, qui a été vivement attaqué, au nom des industriels de la Pensylvanie, par M. William D. Kelley, membre du comité, un rude jouteur que ce M. Kelley, mais plus fort sur les anecdotes que sur les principes ! Dès le début de sa controverse, il en cite une assez curieuse. Pour établir que les excès de fiscalité n’étaient pas sans influence sur le mouvement des caisses d’épargne, M. Wells avait dû ramener le chiffre net des dépôts à leur valeur en numéraire, calculée probablement pour le jour où il avait mis la dernière main à son rapport. Le cours avait varié depuis : grande découverte et moyen oratoire pour M. Kelley ! « S’il en est ainsi, dit-il, quelle a dû être la situation de nos pauvres caisses d’épargne dans la terrible journée du 24 septembre dernier, quand de 123 le cours de l’or montait à 165 en une heure, et que tel déposant vendait, à l’une des queues de la bourse de l’or, à New-York, à raison de 135, ce qu’Albert Spires achetait à l’autre queue à raison de 160 ! Or il arriva ce jour-là une singulière aventure à ce M. Spires, un lunatique bien connu. Un jeune homme qui s’était faufilé parmi les agens de change, et qui, après quelques opérations risquées, y avait fait mauvaise figure, avisa M. Spires au moment de son plus beau feu. « Du 160 pour 1 million, criait le personnage en se démenant. — Pris, dit le jeune homme en lui frappant sur l’épaule. — 2 millions encore au même taux. — Pris, » et ainsi de suite jusqu’à 13 millions de dollars, offerts et acceptés coup sur coup. Et, tout calcul fait, il se trouva que le jeune banqueroutier avait gagné près de 800,000 dollars au vieux lunatique sans qu’aucun des deux y perdit 1 centime, ou en retirât une pièce d’or. » Voilà le genre de réfutations à l’usage de M. Kelley, et ce n’est vraiment pas sérieux. Dans un rapprochement entre les dépôts aux caisses d’épargne en 1860, époque où les paiemens se faisaient en or, et en 1869, où les paiemens se faisaient en papier, il n’y avait pas d’autre procédé à employer que celui de M. Wells, et il reste acquis que l’avantage pour les déposans n’est pas dans celle des deux périodes où des tarifs exorbitans ont été mis ou maintenus en vigueur.

La discussion en comité est pleine de ces querelles qui vont jusqu’à la personnalité. L’intérêt particulier est coutumier de ces écarts de langage. Le commissaire du revenu avait cru devoir, à l’appui de quelques demandes de dégrèvement, rappeler cette vérité, banale à force d’être démontrée, que tout droit perçu à la frontière a pour