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d’environ 6,000 hommes, et qui étaient encore en Westphalie, accouraient à marches forcées, des volontaires venaient se mettre aux ordres du roi, et Anvers, qui recevait d’heure en heure des renforts de gardes nationales et de conscrits expédiés en hâte par l’archi-chancelier Cambacérès, Anvers, désormais à l’abri d’une surprise, était protégée contre l’éventualité d’un siège par une armée de secours de 8,000 hommes, adossée à des places fortes et grossissant chaque jour.

Napoléon fut un moment très inquiet en apprenant le débarquement des Anglais. Il croyait à un coup de main bien réussi ; mais, dès qu’il eut appris qu’ils n’avaient pas attaqué Anvers de prime saut, il passa de l’inquiétude à la plus entière confiance. Son coup d’œil militaire lui avait fait juger tout de suite l’étendue de leurs fautes, et il comptait sur le dangereux climat de la Zélande à ce moment de l’année pour achever de les réduire. Cette perspective ne l’empêcha pas d’être furieux contre le général Monnet, qui avait dû rendre Flessingue après un rude bombardement, et qui était resté prisonnier des Anglais, et plus encore contre l’officier hollandais qui avait laissé prendre Bath. « J’espère, écrivait-il à Louis, que vous aurez fait passer par les armes ce traître de Bruce. » Le roi se bornait à destituer cet officier, recommandé par d’anciens et loyaux services, et un conseil de guerre le condamnait à un court emprisonnement. Nouvelle colère de Napoléon, qui n’y comprenait rien.

Louis était entré à Anvers pour se concerter avec les officiers français de la place au sujet des mesures de défense. Là il reçut de Cambacérès l’invitation de prendre le commandement en chef des troupes franco-hollandaises. Il accepta, enchanté de procurer ainsi à la couronne de Hollande des titres incontestables à la gratitude de la nation française. Il fit inonder la rive gauche de l’Escaut, établit une division à la Tête-de-Flandre, fit en un mot tout ce que conseillait la prudence. Le 15 août, il passa une brillante revue des forces combinées, et fit célébrer avec pompe la fête de l’empereur. Quelques jours auparavant, dans un de ces messages ampoulés dont il avait le secret, le sénat français avait dit à Napoléon : « La nation hollandaise, dont le territoire est attaqué, lève avec fierté ses antiques bannières qui rappellent tant de hauts faits des valeureux Bataves, et celui de vos augustes frères qui règne sur eux est à leur tête. » Le 16 arrive à Anvers le prince de Ponte-Corvo, Bernadotte, avec des instructions de l’auguste maître, et Louis a la mortification d’apprendre que son frère, ne voulant pas qu’il reste à la tête de l’armée franco-hollandaise, investit le nouveau-venu du commandement en chef.

Il était donc une fois de plus démontré que l’empereur ne voulait