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lui fit comprendre avec sa dureté habituelle, furieux de ce qu’il avait agi sans le consulter et du discrédit que cette institution mal combinée de la nouvelle noblesse de Hollande allait jeter sur celle que, dans une de ses moins bonnes heures, il avait jugé à propos de plaquer sur la démocratie française. Quatre mois après, Louis se vit forcé par son frère de rapporter son décret. Le corps législatif, qui avait accepté docilement une création dont l’utilité lui échappait, se résigna non moins docilement à la suppression lorsqu’elle lui fut proposée.

On doit se demander pourquoi Louis ne préférait pas, sinon une rupture impossible, du moins une abdication à un état de choses où il avait à dévorer ces continuels outrages. Il n’y a qu’une réponse, c’est qu’il espérait encore vaincre les difficultés de sa position en louvoyant avec la volonté impériale, cédant quand il n’y aurait pas d’autre issue, résistant aussi longtemps qu’il le pouvait, vivant au jour le jour selon sa propre expression, gagnant ainsi du temps pour se concilier l’affection des Hollandais. Il tenait énormément à rester roi. Les troupes hollandaises incorporées dans l’armée française se battaient bien en Espagne et en Allemagne ; seulement elles n’étaient jamais assez nombreuses au gré de l’empereur, qui saignait la France aux quatre membres et ne comprenait pas qu’on n’en fît pas autant ailleurs. Elles rendaient pourtant à cette heure même un éminent service à Napoléon, engagé dans sa guerre de 1809 avec l’Autriche, cette guerre marquée par les batailles d’Essling et de Wagram, finalement victorieuse, mais qui fut très sanglante et faillit plus d’une fois se terminer par d’épouvantables désastres. Le temps des coups de foudre était passé. Un officier prussien nommé Schill venait de lever l’étendard de l’insurrection nationale dans le nord de l’Allemagne, et peu s’en fallut qu’il ne provoquât un embrasement général comparable à celui de 1813. Ce mouvement semble avoir été prématuré ; on n’en devait pas moins l’étouffer promptement, à tout prix, et il était assez inquiétant pour donner de vives préoccupations à l’empereur, dont les armées étaient partagées entre l’Espagne, où elles fondaient, et l’Autriche, où elles étaient tout au plus assez nombreuses pour tenir tête à l’ennemi. Ce furent les Hollandais qui chassèrent Schill du Mecklembourg, dont un instant il avait été maître absolu, et le forcèrent à s’enfermer dans Stralsund ; puis, après un siège où l’on se battit des deux côtés avec un grand