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sympathies de M. van Lennep, père du romancier dont nous avons parlé dans la Revue[1], et dont le républicanisme, jusqu’alors assez farouche, s’adoucit beaucoup dans ses entretiens linguistiques avec le roi. Louis alla même, tant il avait à cœur de se faire Hollandais, jusqu’à permettre dans ses salons l’usage de la longue pipe hollandaise et à en donner l’exemple en personne. L’absence d’Hortense favorisait cette concession, alors inouïe dans une cour. Toutefois cet essai ne dura pas longtemps. Louis éprouva sans doute quelques inconvéniens personnels de cet accommodement aux mœurs nationales, il ne revint pas sur la permission qu’il avait donnée ; mais, comme on vit qu’il ne fumait plus lui-même, on n’osa plus fumer en sa présence.


IX

Le 20 avril 1808, jour où le roi faisait son entrée solennelle à Amsterdam pour prendre possession de son nouveau palais, son troisième fils, aujourd’hui empereur des Français, naquit à Paris. Cet événement coïncidait avec les preuves de bon vouloir qu’il pouvait remarquer dans sa nouvelle capitale : l’assemblée très brillante de l’ordre de l’Union, les préliminaires de la première exposition de l’industrie nationale et de la fondation d’un institut royal des arts et des sciences[2], l’espoir qu’on avait de voir enfin la paix générale assurée par de nouveaux succès de la France en Espagne, toutes ces circonstances jetèrent encore un certain éclat sur ce moment du règne. Le voyage que le roi fit dans plusieurs provinces s’en ressentit.

Ce moment fut court. Déjà le bruit se répandait que l’empereur, non content d’avoir Flessingue, exigeait de nouvelles cessions de territoires, que te Brabant et la Zélande étaient menacés d’annexion. Bientôt le ministre de France en parla directement au roi comme d’une bagatelle. Louis répondit sur le ton de l’indignation, et en écrivit directement à l’empereur. La réponse de celui-ci, datée de Saint-Cloud 17 août 1808, ne doit pas être omise ; rien ne met mieux à nu la politique en partie double que Napoléon avait adoptée à l’égard de la Hollande.

« Mon frère, je reçois votre lettre relative à l’ouverture qu’a faite le sieur de Larochefoucault. Il n’a été autorisé qu’à la faire indirectement. Puisque cet échange ne vous plaît pas, il n’y faut plus penser. Il était inutile de me faire un étalage de principes, puisque

  1. Voyez la Revue du 15 octobre 1868.
  2. Aujourd’hui académie royale des sciences des Pays-Bas.