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de son trésor à sec, de ses sujets ruinés et des sacrifices que la Hollande ne cessait de faire. Il prétend dans ses mémoires que dans l’hiver de 1806 à 1807, la Hollande n’entretint pas moins de 50,000 hommes sous les armes, en grande majorité incorporés dans les divisions de l’armée française. Il est à présumer que ce chiffre est exagéré ; on le réduirait de moitié qu’il serait encore très considérable, si l’on pense que, continuellement exposé à une attaque anglaise, le pays devait rester toujours sur un pied respectable de défense.

On savait en Hollande que le roi tenait bon contre les exigences de son terrible frère. Un événement local ne lui fit pas moins de bien dans l’esprit de ses sujets. Le 12 janvier 1807, un bateau chargé de poudre qui traversait Leyde fît explosion au beau milieu de la ville. Le désastre fut épouvantable ; huit cents maisons furent ou détruites ou fortement endommagées. La population épargnée était folle de terreur ; des décombres fumans sortaient des cris affreux. Le feu prenait partout. Ceux qu’on voulait secourir voyaient souvent leur salut compromis par les efforts mêmes que l’on faisait pour les tirer des ruines. Le roi, aussitôt averti, accourut à Leyde malgré son état maladif, paya de sa personne, encouragea les travailleurs, donna une direction efficace aux secours qui arrivaient de toutes parts, en un mot fit énergiquement son devoir de roi[1]. Les mesures qu’il proposa ensuite au corps législatif pour venir au secours de la ville si rudement éprouvée furent bien inspirées et eurent d’heureux effets. Le roi patronna de son exemple et de sa recommandation une grande collecte nationale qui fut très fructueuse. Cette initiative du roi était d’ailleurs conforme à l’esprit comme aux précédens du pays. Croirait-on que Napoléon tança son frère d’une verte façon de ce qu’au lieu d’ordonner, il demandait !

Passons rapidement sur les mesures administratives et financières qui occupèrent les premiers mois de 1807, la création d’une direction des beaux-arts, l’installation de l’ordre de l’Union, où le roi put se livrer à son aise à ses effusions romantiques, l’envoi à Java du général Daendels, la discussion du budget, que Gogel parvint encore une fois à équilibrer, mais à quel prix ! moyennant un nouvel emprunt de 40 millions, pour le service duquel on dut engager le

  1. Parmi les victimes de cette terrible journée, on signale les professeurs Jean Luzac et Kluit, ainsi que le pasteur et professeur Rau. Ce dernier, savant théologien et orateur distingué, n’était pas chez lui quand sa maison s’écroula ; mais en apprenant que sa femme et ses enfans étaient ensevelis, il en fut tellement affecté qu’il demeura dans un état de langueur dont il ne se releva plus ; il mourut des suites au bout d’un an. La femme et les enfans furent pourtant sauvés. Le nombre des morts s’éleva a cent cinquante-trois.