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cause dans un sens conforme aux vœux les plus ardens du pays pour qu’on se montrât trop susceptible.

L’un des points sur lesquels le roi s’associa le plus complètement à l’esprit national, ce fut la grosse question du recrutement de l’armée. Les Hollandais n’avaient jamais connu la conscription, et, d’après tout ce qui leur revenait de France, ils l’avaient en horreur. Le peuple hollandais est marin, il n’est pas militaire. Ses armées se composaient jadis de volontaires, c’est-à-dire de mercenaires qu’on recrutait en Suisse, dans la Hesse, au pays wallon. Même aux périodes les plus guerrières de son histoire, on ne le voit jamais pris par la fièvre des conquêtes. S’il bataille souvent dans le Brabant, sur le Rhin, en Belgique, c’est pour se défendre. Le Brabant lui-même n’est conquis par l’ancienne confédération que parce qu’on en regarde la possession comme une barrière indispensable contre les envahisseurs du midi. Ce n’est pas du tout que ce peuple manque de courage, il le prouve en défendant son territoire, ses villes surtout, avec le dernier acharnement ; mais les expéditions militaires ont peu d’attrait pour lui. L’idée qu’un caprice de souverain peut enlever des milliers d’hommes à leurs foyers et les envoyer mourir à des centaines de lieues pour des causes qu’ils ne comprennent seulement pas, cette idée l’a toujours révolté. Encore aujourd’hui, après la rude école de l’empire, qui permit à la restauration hollandaise de recruter l’armée d’après un mode analogue au système français, l’armée hollandaise n’est sérieusement organisée qu’en vue de la défense du territoire, et l’armée coloniale, celle qui doit garder les grandes colonies asiatiques, ne se compose que de volontaires. En présence de pareilles dispositions, et du moment que le roi Louis tenait à se faire aimer du peuple hollandais, il ne fallait pas songer à introduire la conscription. Napoléon aurait voulu qu’il le fît ; dans sa correspondance, il reproche à son frère en termes très durs les répugnances qu’il professe à cet endroit. C’était pourtant une des conditions rigoureuses de la réussite du nouveau roi.

Il y eut toutefois quelques erreurs dans sa politique militaire. La Hollande, qui compte tant de marins dans sa population, peut plus aisément former une marine respectable qu’une armée imposante. L’amiral Ver Huell aurait voulu que le roi Louis appliquât de préférence à la marine l’argent dont il pouvait disposer. C’était le moyen de relever la Hollande devant l’Europe, de faire apprécier en France l’utilité de son alliance dans une guerre prolongée contre l’Angleterre, d’inquiéter l’orgueilleuse puissance dont la sécurité irritante provenait de ce qu’elle était depuis Trafalgar seule et unique maîtresse des mers. Ce conseil, peut-être intéressé, n’en était pas moins judicieux. Dans les premiers temps, Louis Bonaparte aurait