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contraignit et s’attacha de son mieux à rassurer la majorité protestante. Il n’y parvint pourtant qu’à demi. Les constitutions qui s’étaient succédé depuis 1795 assuraient aux catholiques l’égalité des droits et la protection de l’état. Peu à peu, à la faveur des idées nouvelles et dans la mesure ou ils se mêleraient à la vie commune, ils devaient prendre leur part d’influence et de pouvoir. Seulement il fallait ne rien faire de factice pour hâter ce moment et ne pas nommer aux postes importans des hommes médiocres uniquement parce qu’ils étaient catholiques, et c’est ce que le roi Louis se crut parfois obligé de faire. Il y avait un abus à supprimer, celui qui consistait, en vertu des privilèges attribués à l’église de l’état, à remettre aux réformés, dans les localités où ils n’étaient qu’une petite minorité, les grandes églises qu’ils ne pouvaient remplir, tandis que la majorité catholique devait se contenter de petites chapelles insuffisantes. Le roi eût agi sagement, s’il eût confié le soin de régler ce genre de difficultés à une commission mixte, qu’il eût même pu sans inconvénient composer en majorité de protestans libéraux. Il eût ainsi évité la responsabilité de mesures qui, tout équitables qu’elles fussent en elles-mêmes, ne pouvaient passer dans les faits sans produire des froissemens graves. Il voulut au contraire procéder lui-même à ce qu’il regardait comme une réparation. Ses décisions ne furent pas toujours heureuses. Par exemple, il enleva aux réformés wallons de La Haye, descendans pour la plupart des Français réfugiés sous Louis XIV et Louis XV, l’église qu’ils possédaient depuis la révocation, celle qu’avaient consacrée les prières et les larmes des exilés, où Saurin avait tonné de sa puissante voix. Le plus souvent son passage par les villes qu’il visitait fut marqué par le don fait aux catholiques d’une église prise aux réformés. Encore une fois, il se peut que chacune de ses décisions fût conforme à l’équité, et que, si le roi n’avait pas été lui-même catholique, personne n’eût songé à s’en plaindre. Je dois dire néanmoins que c’est dans les conversations des vieillards et dans les manuscrits inédits que j’ai trouvé des marques de ces plaintes plutôt que dans les pièces officielles ou les publications du temps. Si la presse eût été libre, on en trouverait certainement d’autres traces ; mais la presse ne l’était guère sous le roi Louis, et on a vu que la constitution était muette à son égard. Ce prince se croyait sincèrement libéral, mais son libéralisme ne supportait pas aisément la contradiction. Un journal d’Amsterdam ayant parlé en termes peu mesurés de la famille royale de Prusse, le roi, qui aimait beaucoup cette famille, le supprima par un simple décret. Enfin le mécontentement du protestantisme n’eut pas le loisir, il eut à peine la volonté de se faire jour. Il y avait trop d’intérêts nationaux dont le roi Louis avait épousé la