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codes français devaient servir de base, mais après avoir été mis en rapport avec les besoins locaux et les mœurs nationales. La réputation d’humanité qui l’avait précédé en Hollande s’accrut aussi par la manière clémente dont il traita les plus compromis dans une mutinerie qui éclata sur la flotte au moment de la prestation de serment, et qui n’avait été étouffée que par la fermeté de l’amiral de Winter. Le roi usait largement du droit de grâce qui lui était dévolu par la constitution. Il répugnait à sanctionner les arrêts de mort, et l’un de ses rêves d’avenir était de proposer un jour l’abolition de la peine capitale.

Il s’occupa très sérieusement de la grande question des digues. Il ne rend pas tout à fait justice dans ses mémoires à Schimmelpenninck, qui lui avait frayé la route en établissant l’administration centrale du waterstaat et en jetant les fondemens des grandes écluses de Katwyk. Ses souvenirs auront été probablement en défaut, car il en parle comme si c’était lui qui eût le premier centralisé le waterstaat, l’essentiel, c’est qu’il lui donna une sollicitude constante et qu’il fut bien conseillé par ceux qu’il avait mis à la tête de cet important département. La preuve en est dans les travaux d’exhaussement et de dessèchement qu’il fit entreprendre, dans les projets qu’il se réservait de mettre à exécution quand les finances seraient rétablies. Parmi ces projets, nous devons citer le dessèchement du lac de Harlem, qui n’eut lieu que plus de trente ans après, et celui des Plusses, ces grands étangs qui se succèdent à perte de vue entre Rotterdam et Souda, et qu’on achève de dessécher au moment même où nous écrivons.

Au département des cultes, sa position était délicate. Il avait, comme la plupart des Bonapartes, un fonds d’attachement tout italien pour le catholicisme, une très haute idée de sa valeur sociale, une vénération profonde pour le prêtre, le tout associé à une singulière ignorance des autres doctrines religieuses. On l’eût profondément surpris, si on lui eût démontré, pièces en main, que les sociétés modernes ne peuvent subsister qu’en répudiant dans leurs institutions et dans leurs lois des principes que la papauté a toujours tenus pour inviolables et sacrés. Cette illusion, il est vrai, était celle d’une foule d’esprits à cette époque, elle fut partagée par Napoléon, qui ne s’aperçut que bien tard des inextricables difficultés où il s’était engagé par le concordat ; mais elle était moins générale dans les pays où le protestantisme dominait, où les hommes politiques étaient habitués à considérer la rupture avec Rome comme l’une des conditions d’une existence nationale vraiment indépendante. Le roi Louis était à cent lieues de pareilles pensées. Son bon sens et son amour sincère de la tolérance firent seuls qu’il se